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ARTE – MARDI 28 MAI À 20 H 55 – DOCUMENTAIRE
Certaines archives filmées peuvent, avec le temps, se révéler cruelles. En juin 1997, le sénateur Joe Biden, de retour d’un voyage à Moscou destiné à rassurer la Russie sur l’élargissement de l’OTAN, balaie d’un revers de main les risques de rapprochement de la Russie avec la Chine.
Face caméra et devant des responsables américains, il déclare : « Les Russes ne veulent pas entendre parler de cette expansion de l’OTAN et ils menacent : “Si vous faites cela, on va devoir se tourner vers la Chine.” Alors je n’ai pas pu m’empêcher de leur dire : “Vous savez quoi ? Bonne chance ! Et puis, si cela ne marche pas, essayez donc l’Iran !” » Une phrase qui provoque un éclat de rire général dans l’auditoire.
Pour le Biden de 1997, un rapprochement russo-sino-iranien est impensable et s’apparente à de la politique-fiction. A l’époque, rares sont les responsables américains conscients du danger. Mais Zbigniew Brzezinski (1928-2017), ancien conseiller à la sécurité nationale, met en garde : « Le pire des scénarios serait une grande coalition de la Chine, de la Russie et peut-être de l’Iran, unis par une détestation commune des Etats-Unis. »
Un scénario cauchemardesque pour l’Occident devenu réalité. Ce documentaire détaille avec minutie les différentes étapes de cette stratégie commune tentaculaire, tout en rappelant la genèse de cette idéologie de la revanche que ces pays cultivent dans leur récit national : les guerres de l’opium en Chine au milieu du XIXe siècle, le soutien des Etats-Unis au coup d’Etat de 1953 en Iran, et l’humiliation de la chute de l’URSS pour Vladimir Poutine.
Combat hybride
Au-delà des images d’archives, le point fort de ce programme réside dans la qualité et la variété des nombreux témoins interrogés. Américains, Britanniques, Français, Suédois, Chinois, Iraniens, Russes, responsables politiques, conseillers, universitaires, anciens des services secrets, membres d’ONG ou d’instituts de recherche expliquent comment ce triangle de fer reliant Moscou, Pékin et Téhéran a pu se mettre en place en un temps finalement restreint.
Ils détaillent comment, après des années de rapprochements et de traités divers, les trois régimes autocratiques sont désormais clairement alignés sur une feuille de route commune : mettre fin à l’hégémonie occidentale et restaurer leurs zones d’influence respectives – au Moyen-Orient pour l’Iran, en Eurasie pour la Russie, en Asie du Sud pour la Chine. Tout cela en menant contre l’Occident un combat hybride, à la fois militaire, technologique, commercial, informatique et civilisationnel.
Parmi les intervenants, certains n’hésitent pas à se moquer ouvertement de l’Occident, tel Sergueï Karaganov, conseiller de Vladimir Poutine. « Au début des années 2000, dit-il, quelque chose d’extravagant s’est produit : les Occidentaux se sont mis à soutenir la Chine. Nous avons observé cela avec stupéfaction. Ils pensaient que la Chine, en devenant plus capitaliste, deviendrait pro-occidentale. Les Etats-Unis ont créé un rival puissant, et nous avons vraiment été déçus par la qualité intellectuelle de l’élite américaine ! »
Un Karaganov goguenard qui ajoute : « La démocratie est la pire façon de gouverner qui soit. » Sentiment partagé par Victor Gao, porte-parole du PC chinois : « Chaque pays doit avoir sa définition des droits de l’homme. Nous n’avons pas tous les mêmes valeurs ! »
Russie, Chine, Iran. La revanche des empires, documentaire de Sophie Lepault et Julian Blum (Fr., 2024, 93 min). Disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 27 juin.