Après avoir enfilé des bottes en caoutchouc, Darcilla Melo Da Silva, 58 ans, prend une grande inspiration avant de franchir le portail métallique de sa maison, guidée par son mari, Admar, 68 ans. Le tableau qu’elle craignait tant de voir depuis douze jours se dresse devant ses yeux. Le potager où elle avait semé du chou et des plantes aromatiques pour soulager ses graves problèmes de santé est enseveli sous une couche de boue. La dépouille d’une poule blanche gît au milieu des planches enchevêtrées, à côté de sa nouvelle machine à laver qui, emportée par le courant dans le jardin, s’est retrouvée écrasée sous un tronc d’arbre.
L’intérieur de sa maison, qu’elle a mis quarante ans à meubler, est encore plus désolant. Une odeur de pourriture encombre l’air. Faute d’électricité, Darcilla Melo Da Silva découvre l’ampleur des dégâts à la lumière du smartphone de son mari : toit percé, plancher soulevé, fauteuils renversés… « Tout est à reconstruire », se désole la grand-mère, le souffle coupé.
Le couple de retraités, qui habitait le quartier de Cidade Baixa, dans l’ouest de Porto Alegre, fait partie des 540 188 personnes qui ont dû évacuer, début mai, leur logement de manière précipitée lorsque les eaux ont envahi les deux tiers des villes de l’Etat du Rio Grande do Sul, une zone vallonnée à la frontière avec l’Argentine et l’Uruguay qui compte quelque 11 millions d’habitants.
« Fruit du réchauffement climatique »
Depuis le 27 avril, des pluies torrentielles se sont abattues sur la région, faisant grimper de plusieurs mètres le niveau du Guaiba, une étendue d’eau – considérée autant comme un fleuve, un lac ou un estuaire – qui borde la région métropolitaine de Porto Alegre. Le lundi 6 mai, le jour où Darcilla Melo Da Silva et Admar ont évacué leur domicile, celle-ci a atteint 5,3 mètres : il s’agit des plus sévères inondations depuis 1941, lorsque le niveau du Guaiba s’était élevé à 4,76 mètres de hauteur.
« Cet événement extrême est le résultat du réchauffement climatique » aggravé par le phénomène El Niño, alerte Francisco Aquino, climatologue et directeur du département de géographie de l’université fédérale du Rio Grande do Sul. Avec l’augmentation des températures, « nous prévoyons qu’ils devraient devenir plus fréquents et intenses ».
A Porto Alegre, un mur en béton contre les inondations de 6 mètres de haut, et érigé sur 2,6 kilomètres de long dans les années 1970, était censé éviter qu’une telle tragédie survienne. Mais, faute d’entretien, une vanne a laissé fuir l’eau du Guaiba dans le centre historique de la capitale, inondant dix-neuf des vingt-trois stations de pompage du nord de la ville, qui ont été mises à l’arrêt pour éviter des chocs électriques.
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