DISNEY+ – À LA DEMANDE – FILM DOCUMENTAIRE
Depuis plus d’un demi-siècle, Let It Be errait dans les limbes. Après avoir été édité en cassette vidéo au début des années 1980, le documentaire tourné en janvier 1969 par Michael Lindsay-Hogg avait été enterré par les Beatles survivants et leurs héritiers, qui jugeaient insupportable ce témoignage des derniers temps du quatuor.
Le 8 mai, la maison Disney a remis en circulation ce film maudit, après avoir produit et diffusé en 2021 Get Back, une série documentaire de sept heures montée par Peter Jackson (celui du Seigneur des Anneaux et de King Kong) à partir du métrage tourné par Lindsay-Hogg. Même si l’on a passé une nuit entière en apnée dans le travail de Jackson, la vision du Let It Be originel reste pleine d’enseignements. Là où le cinéaste néo-zélandais s’est attaché à présenter la totalité d’un moment, mettant en évidence la formidable créativité musicale du groupe en même temps que sa décomposition, en une espèce d’écorché montrant chaque organe de ce monstre tétracéphale, son collègue et aîné britannique a façonné une stèle funéraire à la mémoire des Beatles.
Les quatre-vingts minutes de Let It Be sont emplies de musique. Des chansons que l’on entend sur l’album du même nom, des standards du rock’n’roll improvisés en compagnie du pianiste et organiste Billy Preston, des ébauches de titres qui se retrouveront sur l’ultime album qu’enregistrera le groupe, Abbey Road. Dès la sortie du film en salle, en mai 1970, quelques mois avant l’officialisation de la séparation des Beatles, le film s’est vu reprocher son infinie tristesse.
Mission impossible
Entre les morceaux, on entend Paul McCartney et George Harrison se disputer. De temps en temps, Lindsay-Hogg insère des plans de Yoko Ono vêtue de noir, silencieuse, au côté de son compagnon, John Lennon. Et quand McCartney tente d’amorcer une conversation avec son ami d’adolescence, celui-ci reste silencieux. On n’entend sa voix nasale que le temps d’un jeu de mots, d’une remarque sarcastique.
Maintenant que l’on a vu Get Back, on sait que Yoko Ono et Linda McCartney se parlaient (à voix basse, pendant l’enregistrement de Let It Be, la chanson), que George Harrison restait éperdu d’admiration pour son camarade bassiste, comme on le voit dans la merveilleuse séquence de la création de Get Back. Lindsay-Hogg, réalisateur sans doute limité (son plus grand titre de gloire, avant de se voir confier la mission impossible de Let It Be, était d’avoir dirigé les Rolling Stones et leurs invités dans Rock’n’roll Circus (1968), a plié cette complexité au format d’un long-métrage plutôt bref, racontant une histoire là où Peter Jackson, cinquante ans plus tard, a eu la possibilité de proposer aux spectateurs les éléments qui leur permettront d’écrire leur histoire à eux.
Il vous reste 20.89% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.