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Les salles qui lui sont dévolues au Louvre ne sont pas, loin de là, les plus fréquentées du musée, et la première (qui fut aussi la dernière) grande exposition à lui avoir été consacrée à Paris eut lieu en 1950 : mal-aimée, peu étudiée, la peinture germanique de la fin du Moyen Age et du début de la Renaissance est trop souvent éclipsée par son homologue italienne, ce qui est aussi, dans de moindres proportions, le sort de la peinture flamande. Par « germanique » il faut entendre celle produite dans la partie septentrionale de ce qui fut l’empire des Habsbourg, gouverné à cette époque par Maximilien Ier puis par Charles Quint.
Un territoire gigantesque et morcelé qui incluait notamment les principautés de ce qui n’était pas encore l’Allemagne, l’Autriche, le Tyrol, la Suisse (jusqu’en 1501) et la Bosnie-Herzégovine à l’est, et, à l’ouest, les anciens Etats de Bourgogne (par le mariage de Maximilien avec Marie, héritière de Charles le Téméraire), qui possédaient une bonne partie des Pays-Bas. Plus l’Espagne et un gros morceau de l’Italie, mais cela sort de notre propos.
Une mosaïque parfaitement reflétée par trois expositions qui couronnent un travail de plus de quatre ans de recherches menées à l’Institut national d’histoire de l’art par Isabelle Dubois-Brinkmann, conservatrice en chef du patrimoine, et Aude Briau, doctorante. S’appuyant sur une équipe internationale, elles ont dressé un répertoire d’environ 500 œuvres produites entre l’Allemagne et l’Autriche, la Suisse du Nord et l’Alsace, à la fin du Moyen Age et à la Renaissance (de 1370 à 1550), toutes conservées dans les collections publiques françaises. Leur analyse approfondie a permis de nombreuses restaurations, quelques découvertes, et deux ou trois propositions de réattribution spectaculaires (un Dürer notamment), si tant est qu’elles soient validées par le reste de la communauté scientifique.
Martyres et temps troublés
Une bonne partie de ce corpus (un peu moins de la moitié) fait donc l’objet de trois expositions simultanées : à Dijon sont montrées, sous le titre « Maîtres et merveilles », les peintures des XIVe et XVe siècles ; à Besançon (« Made in Germany »), les œuvres de la Renaissance et leurs copies ultérieures, et, à Colmar (« Couleur, gloire et beauté »), les peintures exécutées dans le Rhin supérieur. On ne saurait trop recommander la visite successive des trois expositions : outre que cela promet un week-end agréable et instructif, on aura un aperçu très intéressant de la manière dont un même sujet peut être mis en espace selon des façons radicalement différentes, ce qui apprend beaucoup sur l’art de scénographier une exposition aujourd’hui, entre l’accrochage rigoureux et aéré de Dijon, celui, classique, de Besançon, et enfin celui à hauteur d’enfant, sympathique, pédagogique, souvent ludique et drôle, mais assez déroutant, de Colmar.
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