Le sommet de la tour Spinnaker, emblématique de Portsmouth, offre une vue imprenable sur le port aux proportions exceptionnelles de cette grosse ville du Hampshire. Dans les anciens chantiers navals transformés en musée, le Warrior, première frégate cuirassée de la Royal Navy construite en 1860, côtoie le Victory à bord duquel l’illustre vice-amiral Nelson remporta la bataille de Trafalgar, en 1805, qui lui coûta la vie. Au nord s’étend la principale base de la marine britannique : elle abrite les deux tiers de sa flotte, soit une trentaine de bâtiments, dont ses deux porte-avions, le Queen-Elizabeth et le Prince-of-Wales.
En ce début avril, le Queen-Elizabeth est en Ecosse, dans la base navale de Clyde à Faslane, pour des travaux de maintenance. Le Prince-of-Wales, lui, vient de rentrer à Portsmouth après avoir participé à « Steadfast Defender 24 », le vaste exercice militaire lancé, en janvier, par l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dans le nord de l’Europe. Des techniciens s’affairent sur le pont de cet énorme bâtiment de 65 000 tonnes pouvant accueillir une trentaine d’avions de chasse F-35B.
« Nous nous sommes battus au début des années 2000 pour que la Navy conserve deux porte-avions [leur construction a été approuvée en 2007, le Queen-Elizabeth a été mis en service en 2017, le Prince-of-Wales, en 2019]. C’était la condition pour que la Navy reste à Portsmouth, seul port capable de les accueillir », explique Gerald Vernon-Jackson, ex-président du conseil municipal de la ville entre 2004 et 2023 (avec une interruption entre 2014 et 2018). Ce distingué membre du parti des libéraux démocrates a donné rendez-vous en haut de la tour Spinnaker afin de mieux permettre de saisir l’importance de la Navy pour cette ville de 200 000 âmes, qui « vit par et pour la Navy depuis des siècles ». « Sans elle, Portsmouth perdrait son âme », ajoute-t-il. Nombre d’habitants de Portsmouth ont de la famille dans la marine : quand un navire rentre au port, ils se massent encore autour de la Round Tower qui en défend l’entrée depuis la fin du Moyen Age, et saluent les équipages.
« Sur le pied de guerre »
A la fin de l’hiver, une rumeur a agité les médias locaux. Victime de problèmes techniques, le Prince-of-Wales pourrait être vendu afin de financer d’autres programmes de la Navy. « Les gens se sont inquiétés car, depuis dix ans, ils voient la flotte diminuer », explique Charlie Murphy, candidat libéral-démocrate aux législatives pour Portsmouth South. Dans les années 1960, quand les dépenses de défense représentaient encore 7 % du PIB britannique, la Navy alignait huit porte-avions, 54 sous-marins et 156 destroyers et frégates. A Portsmouth, elle employait 40 000 personnes.
Il vous reste 86.73% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.