L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Lancée par le producteur Dimitri Rassam, la série d’adaptations cinématographiques des romans d’Alexandre Dumas évoque la manière dont le cinéma américain s’est, dans les années 1950, défendu contre l’essor de la télévision. La stratégie consistait à réinvestir l’expérience de la salle grâce à une monumentalité retrouvée : grands sujets, gros budgets, formats grandioses (le CinémaScope). Une époque qui peut rappeler la nôtre, tant l’industrie du cinéma français est chahutée par tout un tas de mutations et de fatalismes bien ancrés : l’éternelle polarisation entre cinéma d’auteur et cinéma populaire, la fragmentation du public et la bascule anthropologique amorcée par les plates-formes, repliant l’expérience du spectateur sur la sphère domestique.
Et qui mieux que Dumas pour « réarmer » le cinéma français ? Placé sous le haut patronage d’un des romanciers les plus lus et les plus adaptés au cinéma, naît ainsi le « blockbuster français », véhicule d’un star-système hexagonal revigoré et d’une manière bien française d’ouvrager un film.
C’est ce qui déjà s’appréciait dans le premier volet des Trois Mousquetaires de Martin Bourboulon (2023) : la grande tablée d’acteurs venus de tous horizons et, des décors aux costumes, le travail d’orfèvre d’une myriade d’artistes et techniciens. Il en allait du film comme d’un grand cru ou d’une pièce de haute couture. On en ressortait avec la fierté toute chauvine d’avoir goûté une œuvre qu’on ne doit pas – pour une fois – à Hollywood, mais bien à l’« excellence française ».
Ivresse de la vengeance
Sans être un raz de marée, la formule a fait mouche, avec 3,3 millions de spectateurs pour le premier volet des Trois Mousquetaires, et 2,5 millions pour la suite concentrée sur le personnage de Milady – de l’un à l’autre, une prévisible perte de spectateurs. Ramassée en un seul film, l’adaptation de Monte-Cristo prend, elle, un autre risque car elle s’étend sur près de trois heures, une durée repoussoir, rarement atteinte par un film français. Saluons d’emblée l’audace, qui ne pouvait s’adosser qu’à une grande vedette, et sans doute l’acteur le plus aimé de sa génération : Pierre Niney. Au scénario et à la réalisation, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière attaquant de front la bête, soit un roman-feuilleton de plus de 1 500 pages, récit de métamorphose, quintessence du récit de vengeance tramé d’éducation morale.
Nous sommes en 1815, au début du règne de Louis XVIII, les bonapartistes sont alors les ennemis du pouvoir en place. Le récit suit l’itinéraire d’Edmond Dantès, simple marin qui, revenu d’un voyage à bord du navire Pharaon, s’apprête à se marier avec sa belle fiancée catalane, Mercédès, tandis qu’un acte de bravoure le fait nommer capitaine. L’homme est au bord d’embrasser un bonheur intact lorsqu’il devient la victime d’un complot ourdi par des proches qui le font passer pour un dangereux bonapartiste. Il perd tout, se retrouve expédié dans les cachots du château d’If où il passera quatorze ans.
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