En ces temps de campagne électorale, nous débattons sur le rôle de l’Europe. Pour certains, l’Europe est la cause principale de notre désindustrialisation. Pour d’autres, il n’existe pas de solution à notre renaissance industrielle en dehors d’elle.
Commençons par les faits : aujourd’hui la France industrielle est tristement singulière en Europe. Grande dans notre imaginaire collectif, avec les centrales nucléaires, le TGV, les Airbus et Ariane, etc., notre industrie manufacturière ne pèse en fait que 10 % de notre création de richesse, très loin derrière la moyenne européenne de 15 %, sans mentionner les 16 % de l’Italie, les 12 % de la Belgique ou de l’Espagne, les 18 % de la Suisse (hors EU) et les 19 % de l’Allemagne. Depuis l’impasse d’une vision de l’« industrie sans usine », nous sommes en queue du peloton, au même niveau que la Grèce, et ne devançant en Europe que Malte, Chypre et le Luxembourg.
Si la France s’est grandement désindustrialisée, ce n’est pas le cas de toute l’Europe. Cette singularité porte, en elle, une première conséquence. Puisque tous les pays de l’Union européenne (UE), grands ou moyens, et même certains « petits », disposent d’une part manufacturière dans leur création de richesse au moins 20 % supérieure à la nôtre, il est vain de blâmer le cadre européen.
Rétablir une compétition « loyale »
En termes directs, la France doit « balayer devant sa porte » et commencer par remettre à l’endroit ce que quarante ans de désindustrialisation en France ont « mis à l’envers ». Si la France souhaite peser, qu’il s’agisse de souveraineté économique, d’industrie verte ou d’équilibre commercial, elle doit assumer une ambition industrielle nationale et une compétitivité intra-européenne. Nous n’avons pas d’autre choix.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les exigences de notre modèle social européen, l’accroissement de nos ambitions environnementales et surtout un contexte nouveau d’énergie chère depuis la guerre en Ukraine ne sont plus compatibles avec les pratiques antérieures de commerce international.
L’industrie européenne peut être compétitive, à condition que la compétition soit loyale. Or elle ne l’est pas. Et, pour aggraver la situation, nous n’utilisons que peu ou pas les seules armes à notre disposition : les droits antidumping ou les mesures de sauvegarde.
Aussi pour rétablir une compétition « loyale », nous devons réintroduire des règles au commerce international. Et le marché européen, avec ses 18 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, sa position de numéro un dans le commerce international avant les Etats-Unis d’Amérique, constitue le seul véritable levier, avec lequel la France ne peut rivaliser en représentant seulement 3 % du PIB mondial.
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