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FRANCE 5 – DIMANCHE 12 MAI À 22 H 40 – DOCUMENTAIRE
Parmi les victimes du nazisme, il en est qui ont eu une réelle difficulté à être reconnues : celles et ceux dont l’orientation sexuelle était le seul crime, qui, déportés, arboraient l’infamant triangle rose. En France, il a fallu attendre le discours du premier ministre Lionel Jospin, le 26 avril 2001, pour que s’amorce la reconnaissance officielle de la déportation des homosexuels. Outre-Rhin, le Bundestag vote, le 17 mai 2002, la réhabilitation de ces victimes oubliées avant qu’un monument, inauguré le 27 mai 2008 au cœur de Berlin, ne rende un ostensible hommage aux personnes LGBT persécutées ou éliminées par les nazis.
Pour comprendre ce délai, sans doute faut-il faire un retour sur la répression de l’homosexualité à la fin du XIXe siècle et les préjugés homophobes qui s’ancrent alors dans les mentalités européennes, préparant la radicalité du IIIe Reich envers des populations exposées à un dispositif répressif parfois ancien. Ainsi le code pénal allemand de 1871, dans son paragraphe 175, criminalise-t-il l’homosexualité masculine, prévoyant l’emprisonnement comme la perte des droits civiques – une disposition qui ne disparaît officiellement qu’en 1994. Aussi le nazisme au pouvoir peut-il compter sur une perception publique favorable aux brimades et bientôt aux crimes qu’il projette.
Sans doute les forces de l’ordre se cantonnent-elles à garantir le respect d’une moralité de façade avant l’avènement du nazisme. Sous la République de Weimar, Berlin gagne même le statut officieux de « capitale homosexuelle » du Vieux Continent. Parallèlement à une scène culturelle qui affiche une tolérance décomplexée, le médecin Magnus Hirschfeld (1868-1935), non content de militer pour l’abolition du paragraphe 175, crée avec son Institut de sexologie à Berlin un centre de documentation exceptionnel, dont les nazis feront une cible prioritaire, programmant le pillage et l’autodafé qui scelleront son sort dès mai 1933.
Assainissement racial
Trois ans après la pionnière exposition du Mémorial de la Shoah, à Paris, (« Homosexuels et lesbiennes dans l’Europe nazie », de juin 2021 à mai 2022), dont Florence Tamagne assura l’exemplaire commissariat, Michel Viotte reprend le dossier avec la même intelligence. Le contexte et son terreau si dangereusement favorable posés, la présentation de la logique nazie annoncée d’entrée par la voix d’Himmler est implacable. L’assainissement racial justifie la traque des éléments dégénérés dont la contagion est redoutée. Dès lors, les propos des rescapés des camps, témoignages parfois glaçants, permettent de mesurer l’empirisme de certains comportements.
Après la Nuit des longs couteaux, en 1934, qui élimine les SA, premiers compagnons de lutte du Führer, dont le chef, Ernst Röhm, est ouvertement homosexuel, il importe de garantir la pureté aryenne et les étrangers ne sont ciblés que s’ils corrompent les soldats du Reich, même si, internés, ils peuvent servir sexuellement aux récréations de leurs bourreaux. Et les responsables des effroyables expérimentations médicales échapperont souvent après guerre à toute justice.
Le pire est de constater que, le Reich à terre, les « délinquants » sexuels se retrouvent au tribunal au nom de l’immuable paragraphe 175, face aux mêmes juges. La décriminalisation de l’homosexualité attendra 1968 en RDA, 1969 en RFA. Pour beaucoup, ce sera trop tard.
Homosexuels et lesbiennes face au nazisme, documentaire de Michel Viotte (Fr., 2023, 54 min). Diffusé sur France 5 dans le cadre de l’émission « La Case du siècle » et disponible en replay sur France.tv.