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SÉLECTION OFFICIELLE – EN COMPÉTITION
C’est un dernier long-métrage couleur de deuil, tout en nuances de noir et dégradés de gris, aux lignes épurées de stèle, que le Canadien David Cronenberg, 81 ans, peintre de la chair en ses confins et bouillonnements inattendus (Videodrome, La Mouche, Crash, pour les plus connus), dévoile au Festival de Cannes, marquant le virage de la deuxième semaine de compétition. Les Linceuls a pour sujet la perte de l’être aimé, thème romantique en diable que le cinéaste se garde bien de soumettre à un quelconque épanchement, lyrique ou dramatique. Il l’aborde, comme à son habitude, sous le filtre refroidissant de l’anticipation technologique, propre à reconfigurer les rapports du corps humain et de la machine.
L’écriture du film est intervenue suite à la mort de Carolyn Cronenberg, épouse et collaboratrice du cinéaste, en 2017. Ce deuil, plutôt que d’offrir une clé de compréhension, donne au film une coloration très personnelle, et éclaire l’émotion qui l’irrigue en profondeur.
Si personnelle, d’ailleurs, que Vincent Cassel, dix-sept ans après Les Promesses de l’ombre (2007), compose un héros qui, silhouette élancée et toison argentée, ressemble presque trait pour trait à Cronenberg. Karsh, riche entrepreneur de Toronto, entre autres de pompes funèbres high-tech, ne se remet pas de la mort de sa femme, Rebecca (Diane Kruger). En conséquence, il a mis au point un système de tombe connectée, qu’il commercialise dans son parc de cimetières équipés. Au cœur de cette technologie, un linceul équipé de capteurs prend une image par contact du corps enseveli, retransmise sur un écran intégré à la pierre tombale. L’ingénieur inconsolé peut ainsi suivre au jour le jour la décomposition du cadavre adoré : la relation se perpétue au-delà de la mort, pour un corps qui continue de se transformer. Mais Karsh observe bientôt à la surface du squelette la formation d’étranges nodules qui l’alertent sur l’intégrité de la dépouille.
Complot cybernétique
A ce postulat aussi tordu que stimulant, interrogeant sur un mode prométhéen le complexe du deuil impossible et du désir nécrophile, se greffe une autre intrigue de type paranoïaque. Un matin, Karsh découvre que plusieurs de ses tombes, dont celle de sa femme, ont été non seulement vandalisées, mais piratées, et converties en système de surveillance. L’enquête le mène sur la piste d’un obscur complot cybernétique, impliquant des intérêts divergents (un oncologue rival ou des militants écologistes hostiles à ses innovations technologiques), voire des puissances étrangères (Chine ? Russie ?). Chaque pas accompli le renvoie à un même centre aveugle : la personnalité trouble de Rebecca, qui comportait beaucoup de zones d’ombre.
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