« Nous avons notre jury. » C’est par cette phrase très attendue que le juge Juan Merchan a entériné, jeudi 18 avril en fin d’après-midi, la difficile sélection des douze jurés du procès historique de Donald Trump, à New York. « Choisissons nos suppléants », a ajouté le magistrat, se disant « optimiste » à l’idée que le jury soit définitivement constitué vendredi, lorsque cinq jurés suppléants de plus, sur les six nécessaires, auront été sélectionnés.
Lorsque les nouveaux jurés ont prêté serment de juger l’affaire de manière « juste et impartiale », Donald Trump ne les a pas quittés des yeux. Premier ex-président des Etats-Unis à comparaître au pénal, il est obligé d’assister depuis lundi à cette étape cruciale et parfois laborieuse de sélection.
« Je devrais être dans plein d’endroits en train de faire campagne », a, une nouvelle fois, protesté après l’audience, devant des journalistes, le candidat républicain à l’élection présidentielle de novembre. « Je suis assis ici depuis des jours, du matin au soir, dans cette salle gelée », s’est plaint le milliardaire de 77 ans.
Reprise chaotique
Après une pause, mercredi, le procès a repris de manière un peu chaotique, jeudi, une jurée déjà sélectionnée demandant à jeter l’éponge face à l’enjeu. Alors que Donald Trump venait de s’asseoir dans le prétoire, le juge Juan Merchan a rouvert les débats en annonçant d’emblée que cette citoyenne new-yorkaise avait finalement fait part de « ses inquiétudes sur le fait d’être juste et impartiale ».
Cette jurée, identifiée par le code B280, a confirmé ses craintes, disant aussi avoir été reconnue par des proches, alors que le jury est censé être anonyme pour éviter les pressions. Dans la foulée, le juge a appelé tous les médias qui couvrent le procès à faire preuve de « bon sens » et à éviter, par exemple, de donner des descriptions physiques des jurés.
Un peu plus tard, un autre juré a été écarté après que les procureurs ont soulevé des questions sur l’exactitude de ses réponses au cours du processus de sélection. Il avait déclaré lors d’un interrogatoire ne pas avoir été condamné précédemment – or a été montré pendant l’audience un article datant des années 1990 dans lequel un homme portant le même nom avait été arrêté pour avoir déchiré des affiches politiques.
La vie des jurés potentiels scrutée
Donald Trump a affirmé mercredi sur son réseau, Truth Social, avoir tout juste découvert que le nombre de récusations de jurés était limité, criant une fois encore à la « chasse aux sorcières » orchestrée, selon lui, par l’administration du président démocrate, Joe Biden. Le candidat républicain a aussi repris à son compte les propos d’un animateur de la chaîne conservatrice Fox News, Jesse Watters, assurant sans preuve qu’« ils sont en train de choisir des activistes progressistes infiltrés qui mentent au juge pour faire partie du jury ». Plusieurs dizaines de candidats se sont encore fait récuser, jeudi, avouant qu’ils ne pourraient pas juger Donald Trump de manière impartiale.
Les jurés potentiels, citoyens anonymes plongés du jour au lendemain dans une affaire historique, voient leur vie scrutée. Ils doivent répondre à un long questionnaire sur leurs profession, situation familiale, sources d’information, centres d’intérêt, et leur opinion sur Donald Trump, mais aussi à des interrogations encore plus détaillées de l’accusation ou de la défense, qui a traqué tout signe de partialité possible à l’encontre des prévenus, notamment dans leurs publications sur les réseaux sociaux.
Le juge Juan Merchan a déclaré espérer clore le processus de constitution du jury d’ici à vendredi soir, ce qui permettrait aux plaidoiries d’ouverture de l’accusation et de la défense de débuter dès lundi.
Manœuvres frauduleuses
L’ancien président américain est jugé dans une affaire de paiements dissimulés pour acheter le silence d’une ancienne star de films X, Stormy Daniels, à quelques jours du scrutin de 2016, qu’il avait remporté sur le fil face à la candidate démocrate, Hillary Clinton.
Plus de trois ans après avoir quitté la Maison Blanche dans le chaos, Donald Trump encourt en théorie une peine de prison. Cela ne l’empêcherait pas d’être candidat au scrutin présidentiel du 5 novembre, où il rêve d’une revanche sur Joe Biden, mais projetterait la campagne dans l’inconnu.
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S’il était déclaré non coupable, ce serait en revanche un succès majeur pour le candidat républicain. D’autant qu’il est parvenu, à force de recours, à différer ses trois autres procès au pénal, deux pour tentatives illicites d’inverser les résultats de l’élection de 2020, et un pour sa gestion supposément désinvolte de documents classifiés.
Dans le procès commencé lundi, Donald Trump est inculpé de falsifications de documents comptables de son entreprise, la Trump Organization, qui auraient eu pour but de cacher, sous couvert de « frais juridiques », le paiement de 130 000 dollars (122 000 euros) à Stormy Daniels par son avocat personnel de l’époque, Michael Cohen. En échange, l’ex-star de films X avait accepté de taire une relation sexuelle avec le milliardaire en 2006.
Donald Trump a toujours nié cette relation et sa défense assure que les paiements relevaient de la sphère privée. Mais le procureur du district de Manhattan, Alvin Bragg, entend démontrer qu’il s’agit bien de manœuvres frauduleuses pour cacher des informations aux électeurs quelques jours avant le vote.