![](https://i3.wp.com/img.lemde.fr/2024/05/19/0/3/3094/2063/1440/960/60/0/3edbeec_1716125159273-172563.jpg?w=1200&resize=1200,0&ssl=1)
SÉLECTION OFFICIELLE – EN COMPÉTITION
Exit Julia Ducournau, Palme d’or en 2021 pour Titane, place à Coralie Fargeat, repérée avec le sanguinolent Revenge (2017) et qui, dans la case « cinéma de genre au féminin », entend frapper plus dru, plus lourd, plus fort. La réalisatrice française fait son entrée dans les rangs de la compétition avec son deuxième long-métrage, saillie body horror (« horreur organique ») et coproduction américano-anglaise tournée vers le marché international.
Elisabeth Sparkle (Demi Moore), présentatrice star d’une émission d’aérobic, atteint l’âge d’être remplacée par une candidate plus jeune, comme l’exige son producteur Harvey (Dennis Quaid). Elle passe alors commande d’un mystérieux protocole de jouvence à base d’injections, appelé « The Substance ». Après la piqûre d’activation, la voilà qui se dédouble façon mitose en une version plus jeune d’elle-même baptisée Sue (Margaret Qualley).
Mais plutôt que de suivre le contrat – l’une et l’autre devant se relayer une semaine sur deux pour mieux se régénérer –, cette dernière prend de plus en plus son indépendance, provoquant, à force de tirer sur la corde, le vieillissement accéléré d’Elisabeth, peu à peu remplacée par son double.
Un gros cartoon bêta
Variation sur la péremption des actrices et la cruauté du star-système, quelque part entre Eve (1950), de Joseph L. Mankiewicz, et Le Portrait de Dorian Gray (1945), d’Albert Lewin, The Substance nous fait vite comprendre quelle façon il aura de filer la métaphore : en tank conquérant de la culture pop régressive, les deux pieds dans l’explicite, sans une once de suggestion ou de contournement. Non seulement le film s’empare des codes horrifiques, mais il les grossit à la loupe.
Les intentions seront donc placardées, le jeu outré (le bien nommé Harvey en clone de Weinstein, s’enfilant au restaurant des crevettes comme un goret), les plans ultraléchés et les dialogues hurlés. Ce registre d’emblée parodique, digne d’un gros cartoon bêta, ne laisse à l’horreur qu’une fonction programmatique, celle de la surenchère.
![Sue (Margaret Qualley) dans « The Substance », de Coralie Fargeat.](https://img.lemde.fr/2024/05/19/0/0/3101/2063/664/0/75/0/73f3b12_1716125159376-173735.jpg)
Même un film en roue libre peut finir par secréter une image juste de lui-même. Ici, ce pourrait être l’immonde créature qui résulte des injections chimiques : un amas aberrant, difforme et pataud d’organes mal reliés les uns aux autres, où d’un quelconque orifice peut tout à coup sortir un sein.
The Substance ressemble bien à cette boursouflure croulant sur elle-même. Mais Coralie Fargeat nous dit aussi quelque chose de son rapport au spectateur : à quelques encablures de la fin, une audience réunie pour une soirée de gala est aspergée de puissants geysers d’hémoglobine. La « substance », c’est le fluide cracra qui éclabousse. En somme tout ce qui peut gicler sur le regard du spectateur.
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