Comme il a l’habitude de le faire depuis trois décennies, le Catalan Carmelo Ezpeleta, 78 ans, charismatique PDG de Dorna Sports, arpentera, dimanche 12 mai, le paddock du circuit Bugatti du Mans pour le Grand Prix de France, cinquième étape de la saison en MotoGP. En apparence, rien n’a changé. Pourtant, une véritable révolution se prépare dans les coulisses de la compétition la plus prestigieuse de la moto de vitesse. Avant la fin d’année 2024, sous réserve d’une validation des autorités européennes de la concurrence, le propriétaire de la formule 1 (F1) va s’emparer du MotoGP. Le 1er avril, Liberty Media a annoncé l’acquisition, en action et en cash, de 86 % du capital de Dorna. Un accord qui valorise la société espagnole – par ailleurs propriétaire du Superbike (motos proches de celles produites en série) et du MotoE (motos électriques) – à 4,2 milliards d’euros, dette incluse.
Créée en 1988, l’entreprise basée à Madrid était jusqu’à présent détenue par le fonds Bridgepoint et par l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada. Au terme de l’opération, 14 % du capital restera entre les mains des dirigeants de Dorna, dont Carmelo Ezpeleta, qui devrait continuer à piloter le MotoGP.
Côté au Nasdaq, Liberty Media est le propriétaire de l’organisateur de concerts Live Nation, du site TripAdvisor et de Sirius XM, un opérateur de radio numérique par satellite. Mais le fait d’armes du groupe américain dirigé par Greg Maffei est surtout d’avoir redressé le championnat de formule 1 – racheté en 2017 pour huit milliards de dollars (7,5 milliards d’euros à l’époque) – et transformé cette compétition vieillissante en éclatante réussite commerciale, même si le spectacle n’est pas toujours au rendez-vous.
« Beaucoup d’atouts pour séduire un jeune public »
Sous la houlette de son nouveau propriétaire, le MotoGP risque-t-il de ressembler de plus en plus à son homologue, devenu monotone en raison de la domination écrasante de Red Bull et Max Verstappen ? « Non, Liberty Media ne touchera pas à ce qui fait notre ADN, c’est-à-dire la bagarre. Nos réglementations techniques sont conçues pour éviter l’inflation des coûts et privilégier l’équité sportive », répond Hervé Poncharal, le patron de l’équipe française GasGas-Tech 3.
« En revanche, le groupe américain va apporter son expérience à Dorna pour maximiser l’audience des Grands Prix », ajoute celui qui est aussi le président de l’International Road Racing Teams Association (IRTA), l’association des écuries participant au MotoGP. Une vision largement partagée dans le paddock, comme dans les milieux financiers. « Liberty Media va apporter sa puissance marketing et son savoir-faire dans le domaine des réseaux sociaux, prolonge Adrien Dumas, gérant du fonds d’investissement Mandarine Global Sport. Le MotoGP a beaucoup d’atouts pour séduire un jeune public : le format des courses, de quarante-cinq minutes, est plus attrayant que celui de la F1. Et son championnat est beaucoup plus disputé. »
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