![](https://i0.wp.com/img.lemde.fr/2024/05/23/0/0/4723/3149/1440/960/60/0/00933ce_1716505263606-vdsc1118-b-05-24.jpg?w=1200&resize=1200,0&ssl=1)
Des bombardements s’entendent au loin. Mais ils n’empêchent pas quelques habitants de Kharkiv de franchir les portes du centre d’art contemporain Iermilov. Non pas pour s’y réfugier, même si cet espace sous-terrain, situé sous l’université nationale Karazin, une des plus grandes d’Ukraine, offre un refuge idéal pour se protéger des attaques quotidiennes sur la ville de l’Est. Mais, pour y visiter l’exposition de Pavlo Makov, un artiste local très populaire dans le pays.
![L’œuvre « The Fountain of Exhaustion » de l’artiste Pavlo Makov, au centre d’art contemporain Iermilov de Kharkiv, Ukraine, le 15 mai 2024.](https://img.lemde.fr/2024/05/23/0/0/4724/3149/1920/0/75/0/c83b29c_1716505264542-vdsc0715-b-05-24.jpg)
Visiter un musée en cette période peut sembler saugrenu, alors que, depuis le 11 mai, les attaques sont quasi quotidiennes. Samedi 25 mai, elles ont encore fait seize morts et des dizaines de blessés, selon un bilan provisoire des autorités régionales, après que l’armée russe a attaqué, en pleine journée, un hypermarché de bricolage situé dans la banlieue. Mais la vie continue et, pour les habitants de Kharkiv, le musée représente une bulle d’air au milieu du chaos. « Il est crucial de garder un endroit où les gens peuvent se retrouver pour discuter et réfléchir », explique Natalia Ivanova, la directrice du musée.
Pour le personnel, l’accueil est pourtant loin d’être évident. En ce 17 mai, Taïssia Krivko a le sourire tendu, le visage marqué par la fatigue. La jeune femme de 18 ans se partage entre l’accueil des quelques curieux et ses révisions d’examen de deuxième année à l’université de psychologie. Elle ne cesse de tirer sur une cigarette électronique. La nuit précédente a été particulièrement agitée et perturbée par de nombreuses explosions. « Je n’ai juste pas réussi à dormir », dit-elle d’un air accablé.
« Les artistes ont peur de venir ici »
Compte tenu de ce danger permanent, Taïssia Krivko a fini par acheter un matelas gonflable, afin de pouvoir dormir au sous-sol du centre, dans le cas de bombardements massifs qui l’empêcheraient de rejoindre son appartement. Le lieu dispose du nécessaire pour vivre, à l’exception d’une douche. « Mais on a une fontaine », plaisante Ielizaveta Koval, 20 ans, la meilleure amie et collègue de Taïssia Krivko, citant le nom de l’œuvre centrale de l’exposition de Pavlo Makov, The Fountain of Exhaustion, exposée à la Biennale de Venise, en 2022.
« Nous avons commencé à penser à cette exposition dans les premières semaines de guerre, quand Makov était ici, dans l’abri », raconte, dans un éclat de rire, Natalia Ivanova, la directrice du centre depuis l’ouverture de celui-ci, en 2012. Au début de l’invasion russe de février 2022, alors que les bombes pleuvaient sur Kharkiv, l’espace nommé d’après une des figures de l’avant-garde ukrainienne, Vassili Iermilov (1894-1968), avait servi de lieu de refuge pour de nombreux artistes. Quelques semaines plus tard, l’eau et l’électricité avaient finalement été coupées, et le centre fermé jusqu’au printemps 2022.
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