![](https://i2.wp.com/img.lemde.fr/2024/05/19/3/0/6614/4409/1440/960/60/0/fb63464_1716125883907-alexandre-bavard-temps-mort-2024-vue-ai-la-biennale-de-renava-2024-photo-de-renava.jpg?w=1200&resize=1200,0&ssl=1)
Désaffectée depuis le milieu des années 1980 et le départ de ses derniers occupants (la Légion étrangère), la caserne militaire coiffant la citadelle de Bonifacio, à la pointe sud de la Corse, est réoccupée depuis deux ans par De Renava, structure créée par une bande d’amis d’enfance aujourd’hui trentenaires et devenus spécialistes en art et ingénierie culturelle. Portée par Prisca Meslier et Dominique Marcellesi, elle organise cette année la 2e édition de sa biennale d’art contemporain, avec une vingtaine d’artistes invités, et suffisamment piquante pour intéresser un public de connaisseurs autant que des visiteurs simplement curieux.
Intitulée Roma Amor, la nouvelle exposition de la jeune biennale tente de saisir les mécanismes à l’œuvre dans la chute des empires. Soit une invitation à traverser le temps au cœur de cette cité qui fut la cible de nombreuses puissances, et depuis une île qui fut par ailleurs le berceau d’un empereur, Napoléon Bonaparte. « L’approche de la biennale est de partir d’un sujet ancré dans notre territoire, et de puiser dans l’imaginaire du bassin méditerranéen », résume la commissaire de l’exposition, Prisca Meslier.
Le titre palindrome annonce des allers-retours entre mythologie antique et propositions contemporaines. « Roma évoque l’empire romain, emblématique de la Méditerranée, et dans Amor, on entend l’amour, la gloire de ce passé grandiose, et à mort, comme quand on porte un coup fatal. Il y a un côté prophétique dans la chute d’un empire, car c’est un idéal qui porte en lui les graines de sa destruction », souligne-t-elle encore.
Cloche faite à partir de munitions
Le palindrome ouvre également la voie à deux hypothèses : la perception d’un déclin qui vient de l’intérieur, commence par une décadence morale de la société pour se conclure par un état de ruine, propice à la renaissance. Ou un chaos engendré par l’extérieur – catastrophe naturelle ou invasion –, point de départ d’une perte de repères, avant l’émergence de nouvelles formes de société.
![« The Bell Project » (2007), de Hiwa K, à la Biennale De Renava, à Bonifacio.](https://img.lemde.fr/2024/05/18/0/0/4775/6881/664/0/75/0/9bb44be_1716026929709-hiwa-k-the-bell-project-2007-2015-collezione-la-gaia-vue-ai-la-biennale-de-renava-2024-photo-de-renava.jpg)
Un plan propose les deux parcours à travers six lieux patrimoniaux de la Citadelle. Le premier cheminement débute par la caserne Montlaur avec un grand portrait : Napoléon 1er en costume de sacre (1805), par l’atelier de Jacques-Louis David (1748-1825), peintre officiel de l’Empire, qui le dépeint ici en manteau pourpre, tel un empereur romain. Le second commence par la chapelle Saint-Barthélémy, où l’artiste kurde irakien Hiwa K présente une cloche en cuivre de 700 kilos faite à partir de munitions de la guerre en Irak, image d’une renaissance par une forme à portée spirituelle. Face à elle, la vidéo Soleil noir, de Laurent Grasso, tournée en surplomb de Pompéi par un drone, suit un chien errant au milieu des vestiges. A l’endroit comme à l’envers, le cheminement joue sur des jeux dialectiques entre décadence et émancipation, vandalisme et héroïsme, ruines et fondations, à l’œuvre dans toute civilisation.
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