Gabriel Zucman met en garde la gauche contre la répétition des erreurs de 1981 sur la taxation des grandes fortunes
Le directeur de l’Observatoire européen de la fiscalité, qui réagissait à la proposition des députés socialistes visant à instaurer une « taxe Zucman light », inspirée de ses travaux a appelé, samedi sur France Inter, à « ne pas répéter l’échec intellectuel et politique » des socialistes lors de la création de l’impôt sur les grandes fortunes en 1981.
Cette version socialiste prévoit un impôt minimum de 3 % sur les patrimoines supérieurs à 10 millions d’euros, contre 2 % à partir de 100 millions dans le projet initial de Zucman. Elle exclurait, en outre, les entreprises familiales et innovantes.
« Je me réjouis que le principe de l’impôt plancher – l’idée que les grandes fortunes doivent payer un minimum incompressible chaque année – soit désormais acquis. Mais l’expérience historique et internationale montre que dès qu’on introduit des exonérations, on relance la machine à optimisation fiscale », déclare-t-il.
Selon l’économiste, la clé de l’efficacité d’un tel impôt réside dans une assiette large et sans échappatoires : « Commencer à taxer à partir de 100 millions d’euros, c’est affirmer qu’à ce niveau de richesse, nul n’a besoin d’exonérations ni de niches fiscales. C’est ainsi qu’on garantit à la fois l’efficacité, le rendement budgétaire et la justice. »
Gabriel Zucman met en garde contre la tentation d’exonérer certaines catégories de contribuables, notamment les entreprises familiales et innovantes. Cette approche rappellerait, selon lui, les erreurs commises en 1981, lors de la création de l’impôt sur les grandes fortunes, ancêtre de l’ISF.
« A l’époque, sous la pression des milliardaires, le pouvoir socialiste avait voté une exonération pour les biens professionnels, c’est-à-dire les grosses détentions actionnariales. Résultat : les milliardaires ne payaient pas, et n’ont jamais payé l’ISF », rappelle-t-il.
Gabriel Zucman évoque un « échec intellectuel et politique dramatique », soulignant qu’à la veille de la suppression de l’ISF en 2016 le taux effectif d’imposition des milliardaires français n’était que de 0,005 %.
L’économiste alerte également sur la situation dégradée des finances publiques : « Le niveau de la dette publique approche désormais 120 % du PIB, un niveau qu’on n’avait pas vu depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la première, ou même la Révolution française. Et, à chaque fois, cela s’est terminé par une mise à contribution des plus grandes fortunes. »
Pour lui, il faut mobiliser les richesses privées, en particulier celles des ultrariches, qui « échappent très largement à l’impôt ». « On ne sortira pas de l’impasse budgétaire sans demander aux plus grandes fortunes de contribuer au même titre que le reste de la population, insiste-t-il. La justice fiscale est un ingrédient essentiel d’un budget juste, stable et gage d’apaisement politique. »














