Dans une économie qui fait la part belle à la connaissance et à l’innovation, les plus diplômés restent les grands gagnants du marché du travail. Ils y sont statistiquement les mieux lotis : dix-huit mois après la fin de leurs études, 75,1 % des diplômés de master occupent un emploi salarié et sont en contrat à durée indéterminée pour la majorité d’entre eux, selon le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Mais des tendances de fond pourraient entacher cette situation favorable.
Une première incertitude provient de l’augmentation continue du nombre d’étudiants de master ces deux dernières décennies, pour s’établir à environ 140 000 par an. On peut, bien sûr, se réjouir de la démocratisation de l’enseignement supérieur, même si, malheureusement, les étudiants de master restent principalement issus des classes favorisées, comme le montre le Centre d’études et de recherches sur les qualifications. Cette augmentation du nombre de diplômés de master sur le marché du travail fait cependant peser un risque de dévalorisation des diplômes, surtout si les administrations et les entreprises ne créent pas suffisamment d’emplois à la hauteur des attentes. Et cela semble déjà être, en partie, le cas.
On sait déjà que tous les diplômes de master n’ont pas la même valeur aux yeux des entreprises, et que certains établissements (grandes écoles, écoles de commerce, etc.) ont plus la cote que d’autres auprès des employeurs. Mais le succès actuel du double master risque de renforcer cette discrimination entre les diplômés et pourrait augmenter le coût des études. De plus, il entraînera sans doute un durcissement des critères de recrutement dans les entreprises et, à terme, la liste des diplômes à obtenir pour décrocher un poste pourrait s’allonger encore plus. Si cet engouement montre que les étudiants essaient d’ores et déjà de se prémunir contre le risque de dévalorisation de leur diplôme, ceux ne disposant que d’un seul diplôme de master risquent d’être les grands perdants de cette tendance.
D’autres éléments pointent une dégradation des conditions de travail pour les diplômés : citons, par exemple, la baisse du taux des cadres et l’augmentation du taux de chômage parmi les diplômés de master, relevées par Philippe Lemistre dans un entretien au Monde. On observe également un décalage entre les conditions de travail offertes par les entreprises et les attentes des diplômés du supérieur.
Incertitudes grandissantes
Les nombreux témoignages de jeunes regrettant que leur entreprise refuse de leur accorder la possibilité de faire du télétravail sont un exemple, parmi d’autres, de l’écart qui semble se creuser entre les plus diplômés et leurs manageurs. Or, si les entreprises n’offrent pas des conditions de travail à la hauteur des attentes des diplômés de master, pourquoi le feraient-elles pour les diplômés de licence, de BTS et du baccalauréat ? Et que dire alors des non-diplômés, dont les mauvaises conditions de travail sont régulièrement dénoncées ?
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