En Inde, les forums de l’emploi démarrent souvent sur WhatsApp. Priya Darshini cherche un travail et pose des questions : « J’ai un bébé. Puis-je l’emmener au travail ? Y a-t-il des services de garde d’enfants ? Il a 2 ans. Quel est le salaire ? ». Réponse du recruteur : « les femmes mariées ne sont pas autorisées. » La longue enquête de l’agence Reuters, publiée mardi 25 juin, fait du bruit en Inde et a poussé le gouvernement central à demander des explications à l’Etat du Tamil Nadu, dans le sud du pays.
Il faut dire que cette pratique concerne l’un des symboles de l’industrialisation indienne et de sa spectaculaire croissance économique : l’usine d’assemblage des iPhone d’Apple, installée près de Chennai par Foxconn, le plus important sous-traitant de l’américain. Elle emploie jusqu’à 45 000 personnes en période de pointe. Et 70 % sont des femmes.
Immédiatement, l’entreprise taïwanaise a démenti cette accusation de discrimination, condamnée par la loi indienne (qui n’évoque pas le cas précis des femmes mariées). L’entreprise assure que 25 % de ses employées sont mariées. Mais Reuters a non seulement accumulé les témoignages directs, mais aussi recueilli nombre de publicités sur les réseaux sociaux qui précisent bien : « Age 18-30 ans, non mariées. » Foxconn minimise ces pratiques de sous-traitants qu’elle assure n’avoir jamais autorisées.
Deux raisons sont avancées par les responsables de ressources humaines interrogés par l’agence, l’absentéisme supposé plus important après le mariage et le port de nombreux bijoux métalliques par les femmes mariées hindoues, de la tête aux pieds, qui seraient incompatibles avec le travail dans l’industrie électronique.
La politique du « Make in India »
Cette affaire est fâcheuse pour le gouvernement. D’une part parce qu’elle concerne le fer de lance de sa politique du « Make in India », dont l’objectif est de faire de l’Inde un rival de la Chine dans l’industrie. Et quoi de mieux que de faire venir sur son sol l’un des plus gros industriels de Chine ? Foxconn a déjà été épinglé pour ses pratiques parfois coercitives, notamment durant la pandémie de Covid-19, dans ces usines géantes aux dimensions d’une ville.
Et d’autre part, parce que l’emploi des femmes est présenté comme une priorité. Leur participation au travail est inférieure à 40 % contre plus de 80 % pour les hommes. « Quand les femmes prospèrent, le monde prospère », a affirmé le premier ministre, Narendra Modi, en août 2023 à l’appui d’un discours en faveur de l’inclusion des femmes dans le monde de l’entreprise.
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