Une bonne justice se rend dans les tribunaux, publiquement, au nom du peuple français. Dès lors, elle ne devrait rien avoir à craindre en se découvrant devant les citoyens. On connaît la formule : « Si vous n’avez rien à cacher, vous n’avez rien à craindre. »
Depuis plusieurs années, il est pourtant de plus en plus difficile pour la presse judiciaire d’accomplir son travail. Insidieusement, la justice devient un monde opaque, tourné vers lui-même, qui considère en intrus tous ceux qui osent poser des questions sur son fonctionnement. Un journaliste qui n’a pas accès à l’information, c’est un citoyen mal – ou pas – informé. Et un citoyen qui est mal informé, c’est un citoyen abreuvé de fausses informations et qui perd confiance dans les institutions. Nul ne peut se satisfaire de voir la communication confisquée, faute de sources fiables, par les syndicats de policiers, les dirigeants politiques, et les polémistes qui occupent le terrain que la justice leur abandonne.
Or, certains parquets – pas tous, heureusement ! –, dépositaires d’une parole encadrée par la loi, prennent l’habitude de livrer au compte-gouttes des non-informations pour calmer de manière artificielle la curiosité des journalistes et donc des citoyens. De quoi ont-ils peur ? Le premier d’entre eux par le nombre de magistrats, celui de Paris, refuse désormais de simplement confirmer le placement en garde à vue de telle ou telle personnalité, au nom de la présomption d’innocence. Absurde : ce mutisme contribue à encourager les ragots, rumeurs et imprécisions dont se plaignent tant les procureurs.
Par ailleurs, il est aujourd’hui fréquent de donner à la presse consigne de ne pas révéler l’identité des magistrats qui siègent aux procès. Absurde, encore, d’autant plus que tous ne le réclament pas. Ainsi, lors des audiences consacrées aux tueries islamistes de novembre 2015, les représentants du Parquet national antiterroriste n’ont pas demandé à se dissimuler derrière l’anonymat, non plus le président de la cour d’assises.
Magistrats inaccessibles
Autrefois, les magistrats spécialisés étaient même, parfois, célèbres : François Molins, Marc Trévidic, par exemple, n’ont jamais redouté de remplir leur office à identité et visage découverts. Pourquoi, au XXIe siècle, cette volonté de faire de la justice une administration peuplée de fantômes interchangeables ? Pourquoi est-il souvent si compliqué d’obtenir des jugements motivés, seul moyen d’expliquer au public les raisons d’une condamnation ou d’une relaxe ? Et au nom de quelle présomption nous refuse-t-on ici ou là de nous livrer les calendriers des assises non anonymisés ?
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