Livre. « Le Tyran de fer », « la Clope », « Dent cassée »… Les surnoms des mafieux chinois semblent sortis d’un film hongkongais de gangsters des années 1980. Et pour cause : le cinéma de l’ex-colonie britannique était alors sous la coupe des triades, qui y voyaient autant un business juteux qu’un moyen de communication pour recruter des jeunes en manque d’action. Antoine Vitkine connaît bien le sujet, auquel il a consacré une série documentaire diffusée sur Arte en 2024 et un livre en janvier (Triades. La mafia chinoise à la conquête du monde, Tallandier, 352 pages, 21,90 euros). Il revient maintenant en librairie avec une bande dessinée, réalisée avec le dessinateur Christophe Girard, Triades. Quand la mafia chinoise parle (Steinkis, 136 pages, 22 euros). Il évite soigneusement de relayer une quelconque image glamour, insistant sur le vaste éventail de leurs activités criminelles : prostitution, trafic de drogue, arnaques en ligne, etc.
La force de l’album réside principalement dans les témoignages recueillis. Mafieux repentis ou non s’expriment avec une surprenante candeur sur leurs activités criminelles, parfois depuis leur cellule. Introduites au plus haut niveau, présentes au sein des diasporas chinoises, s’étendant dans le sillage des « nouvelles routes de la soie », les triades passent généralement sous les radars de la justice. Ses rares membres se retrouvant en prison y voient d’ailleurs une opportunité de parfaire leur réputation et leur expérience : « Un an derrière les barreaux, c’est comme cinq à l’extérieur », lâche un des interlocuteurs.
L’album offre une perspective historique saisissante, remontant aux guerres de l’opium au XIXe siècle, lorsque les Britanniques ont imposé à la dynastie Qing l’importation de drogue pour compenser un déséquilibre commercial. Le fentanyl, dont le trafic en Occident est contrôlé par les triades chinoises, est ainsi décrit comme un douloureux retour de bâton – voire une guerre menée sciemment par Pékin.
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