Les forces alliées de l’armée ont accusé mardi 28 octobre les paramilitaires d’avoir « exécuté plus de 2 000 civils non armés » depuis dimanche dans la ville d’El-Fasher, dans l’ouest du Soudan, après plusieurs rapports alarmants sur de multiples exactions étayées par des images sur le terrain. Ces derniers mois et jusqu’à sa chute, la capitale régionale du Darfour-Nord, était devenue le front le plus disputé de la guerre opposant depuis avril 2023 les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) et l’armée, soutenue notamment par les Forces Conjointes.
Les FSR ont « commis des crimes atroces contre des civils innocents dans la ville d’El-Fasher, où plus de 2 000 citoyens désarmés ont été exécutés et tués les 26 et 27 octobre, la plupart étant des femmes, des enfants et des personnes âgées », affirme un communiqué publié sur la page Facebook officielle de cette coalition de groupes armés dans le Darfour.
« Nous suivons de près la situation avec nos partenaires et nous veillons à ce que toutes les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme soient documentées », a affirmé mardi un porte-parole de la Commission européenne, Anouar El Anouni. « Il ne peut pas y avoir d’impunité », a-t-il assuré.
Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a évoqué lundi « le risque croissant d’atrocités motivées par des considérations ethniques » en rappelant le passé du Darfour, ensanglanté au début des années 2000 par les massacres des milices arabes Janjawid dont sont issues les FSR. Son bureau a reçu des informations faisant état d’« exécutions sommaires » de civils, a affirmé un communiqué évoquant les alertes lancées par plusieurs observateurs indépendants.
« Exécutions massives »
Un rapport du Humanitarian Research Lab de l’université Yale (HRL), étayé par des vidéos en open source et des images satellites, fait état « d’exécutions massives » après la prise de la ville par les FSR, explique l’institut qui a documenté les dix-huit mois de siège de la ville. Les images analysées par le laboratoire montrent « des objets de taille humaine », identifiés à proximité des positions des FSR, parfois accompagnés de « traces rougeâtres » au sol, susceptibles d’être des traces de sang.
Des observations similaires ont été faites sur des talus jonchés de corps en périphérie de la ville, corroborant les vidéos d’exécutions sommaires de civils tentant de fuir, largement diffusées sur les réseaux sociaux depuis dimanche. Les images satellites confirment aussi d’importants mouvements de population.
Des groupes compacts de civils sont visibles quittant El-Fasher vers le sud et le camp de déplacés de Zamzam, transformé pour partie en base paramilitaire depuis l’offensive sanglante menée en avril par les FSR. « Le monde doit agir immédiatement pour mettre la pression maximale sur les FSR et leurs soutiens, notamment les Emirats arabes unis, pour que cessent les tueries », a déclaré le HRL en notant que les actions documentées relèvent du crime de guerre et du crime contre l’humanité.
Soutiens étrangers
« La perte d’El-Fasher après un long siège est un tournant qui appelle à la rationalité et au réalisme », une reconnaissance que la « voie politique est la seule option pour mettre fin à la guerre » , a déclaré le conseiller présidentiel émirati Anwar Gargash sur X, en appelant à ratifier les propositions formulées par le groupe dit du « Quad » réunissant les Etats-Unis, l’Arabie saoudite, l’Egypte et les Emirats. Cette proposition prévoit la formation d’un gouvernement civil de transition en excluant à la fois le gouvernement militaire actuel et les FSR de la transition politique postconflit.
La situation est d’autant plus complexe que les belligérants bénéficient chacun de soutiens étrangers cherchant à peser sur un pays riche en or, traversé par le Nil et bordé par la mer Rouge. Les FSR ont reçu armes et drones des Emirats arabes unis, d’après des rapports de l’ONU, tandis que l’armée a bénéficié de l’appui de l’Egypte, de l’Arabie saoudite, de l’Iran et de la Turquie, selon des observateurs. Tous nient toute implication.
Lundi, le chef de l’armée, le général Abdel Fattah Al-Bourhane, dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d’Etat de 2021, a reconnu que la défaite de ses troupes à El-Fasher tout en promettant « vengeance » et « victoire ». C’est une « étape » et « nous pouvons renverser la situation », a-t-il dit dans un discours en affirmant que ses hommes se battront « jusqu’à purifier cette terre de ses souillures. » Selon lui, l’armée a décidé de « quitter la ville pour un endroit sûr afin d’épargner les citoyens et la ville de la destruction ».
Depuis dimanche, plus de 26 000 personnes ont fui les combats, majoritairement vers la périphérie de la ville et vers Tawila, à 70 km à l’ouest d’El-Fasher. La guerre a tué des dizaines de milliers de personnes, en a déraciné des millions d’autres et plongé le pays dans ce que l’ONU décrit comme « la pire crise humanitaire au monde. »












