Quand l’Union européenne a interdit à ses entreprises d’acheter du charbon russe, ArcelorMittal s’est montré volontariste. Le groupe sidérurgique a annoncé dès le mois de mars 2022 être indépendant de Moscou dans son approvisionnement, alors qu’il achetait jusque-là à la Russie environ un cinquième du charbon qu’il utilise sur le continent européen.
La multinationale soutient publiquement l’Ukraine depuis le déclenchement de la guerre, en février 2022. Elle y est implantée de longue date, avec une importante usine basée à Kryvy Rih, ville natale du président ukrainien, Volodymyr Zelensky. En février, ArcelorMittal y a fait ériger une stèle à la mémoire de ses plus de 120 employés « qui ont donné leur vie pour nous protéger et protéger notre liberté », selon les mots de Mauro Longobardo, directeur de l’usine.
Le groupe sidérurgique n’a pourtant pas complètement coupé ses approvisionnements en charbon russe, révèle un rapport de deux organisations non gouvernementales (ONG), Global Witness et Aria, publié mercredi 26 juin.
ArcelorMittal et le japonais Nippon Steel détiennent, en effet, respectivement 60 % et 40 % société indienne, AM/NS India. Cette dernière a importé au moins 170 000 tonnes de charbon, d’une valeur d’environ 20 millions d’euros, provenant d’entreprises sous pavillon russe en octobre et novembre 2023, selon les données douanières compilées par les deux ONG. Un volume qui représente un peu moins de 1 % des achats de charbon déclarés par ArcelorMittal dans son dernier rapport annuel, mais qui met en évidence l’« hypocrisie » de l’entreprise, estiment Global Witness et Aria.
Contacté par Le Monde, ArcelorMittal n’a ni démenti ni confirmé ces informations. L’entreprise assure toutefois qu’AM/NS India respecte l’ensemble des réglementations en vigueur et fait valoir ses « efforts considérables pour soutenir [ses] employés et plus largement l’Ukraine dans des circonstances difficiles ». De son côté, Nippon Steel n’a pas souhaité commenter ce dossier.
Un soutien indirect aux efforts de guerre russes
Contrairement à l’Union européenne, l’Inde n’a pas pris de sanctions sur le secteur énergétique russe. Global Witness et Aria insistent néanmoins sur le fait qu’en achetant du charbon russe, AM/NS India soutient l’économie russe.
« A partir du moment où le budget militaire russe augmente, tous les achats de carburants fossiles et non fossiles contribuent significativement aux efforts de guerre de Moscou », abonde Petras Katinas, analyste au Centre for Research on Energy and Clean Air, un cercle de réflexion créé en Finlande. Mais s’il estime que ces achats peuvent poser question d’un point de vue moral, ces derniers ne sont pas hors la loi.
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