Lors de l’audition de la présidente-directrice du Louvre au Sénat, mercredi 22 octobre, l’élue UDI Annick Billon a interrogé Laurence des Cars : « Est-ce qu’il est question d’armer du personnel » dans le musée ? Cette piste de réflexion a été aussitôt écartée par Dominique Buffin, chargée de l’accueil et de la sécurité des lieux récemment dépouillés de huit bijoux estimés à 88 millions d’euros. Mais cette option faisait, de manière stupéfiante, un peu son chemin depuis le déclenchement de l’affaire.
Ainsi, sans recevoir de démenti strict en plateau, Didier Giraud, une des « Grandes Gueules » de l’émission de débats de RMC, pouvait déclarer au mépris de toute réalité factuelle qu’au Royaume-Uni, « les mecs auraient pris une balle ». Le chroniqueur assume clairement son inclination pour un système de gardiennage avec des agents munis d’armes à feu. RMC a même cru bon d’isoler fièrement cette spéculation délirante sur ses réseaux.
L’immense et légitime émoi du vol au Louvre, parce qu’il est en effet une catastrophe et qu’il y a eu des défaillances manifestes nécessitant des améliorations, offre sa surenchère d’idées douteuses, alors même que ces bijoux relèvent d’une histoire et d’une mémoire dont il serait d’abord honnête de dire qu’elles sont ignorées de la plupart. Interrogez donc quelqu’un au hasard sur la reine Hortense, le Second Empire ou même la définition d’un diadème… Sylvain Tesson a eu le mérite de la sincérité au micro de France Inter : « J’habite moi-même à 300 mètres du Louvre. Je n’étais jamais allé voir les joyaux de la Couronne. »
Mais maintenant que les experts de la veille sont légion et que certains voudraient protéger les trésors nationaux avec des fusils dans les salles, il est temps de rappeler qu’un musée traduit la vulnérabilité ontologique de ce qui constitue un patrimoine. Celui-ci est d’autant plus à choyer, avec déférence et décence, sans imaginaire oppressif, qu’il est une matérialité fragile dont l’aura d’éternité est une pure illusion et, insistons, une illusion qu’entretient sa muséification. Le musée apparaît, fallacieusement, comme un sanctuaire existant depuis toujours et à jamais, capable de conserver des œuvres et des objets des contingences et des altérations du temps. D’où l’immense stupéfaction, d’ordre quasiment métaphysique et religieux, quand il y a une effraction en ses murs.
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