La réalisatrice Payal Kapadia, à Cannes, en 2021, lors de la sélection de son premier film à la Quinzaine des réalisateurs.

Une pierre dans le jardin de Narendra Modi. En retenant en compétition All We Imagine as Light (« Tout ce que nous imaginons comme lumière »), le nouveau film de la cinéaste indienne Payal Kapadia, le Festival de Cannes ne fait pas que réparer une injustice, celle d’une Inde systématiquement écartée de la course à la Palme d’or depuis trente ans, et ce malgré l’énormité de sa production cinématographique. Même son rang de pays invité d’honneur sur la Croisette, en 2013, n’y avait rien fait.

Les portes de la cinéphilie semblaient fermées à l’un des pays les plus prolifiques au monde. Il faut remonter à 1994 pour se souvenir d’un film indien en compétition. Il s’agissait à l’époque de Swaham (Destinée), du Kéralais Shaji Karun, réalisateur qui avait décroché la Caméra d’or cinq ans plus tôt avec Piravi (La Naissance), son premier long-métrage.

Mais Cannes envoie aussi un signal fort au dirigeant nationaliste hindou Narendra Modi, au pouvoir depuis 2014 et candidat à un troisième mandat, à l’occasion des élections générales qui se déroulent jusqu’au 4 juin dans le sous-continent. Payal Kapadia, 38 ans, est réputée « intrépide », par son approche « expérimentale remarquable et très inhabituelle » du cinéma, relate la critique Meenakshi Shedde, ce qui fait d’elle l’une des incarnations de la résistance du septième art à l’emprise idéologique du régime d’extrême droite islamophobe sur le pays.

L’histoire de deux infirmières hindoues

Au royaume de la censure que Narendra Modi impose à toute forme de critique et de dissidence, la jeune réalisatrice née à Bombay, la ville de Bollywood, impose un cinéma du réel. Non qu’elle entende, par la forme, faire acte de propagande à travers son œuvre, mais parce que « tout cinéma est politique », disait-elle en 2021, lorsque son premier long-métrage tourné à la manière du cinéaste français Chris Marker, A Night of Knowing Nothing (Toute une nuit sans savoir) avait remporté le prix de l’Œil d’or du meilleur documentaire, à la Quinzaine des réalisateurs.

Cette fois, Payal Kapadia arrive à Cannes avec une fiction. All We Imagine as Light, produit en France par Petit Chaos, en coproduction avec l’indien Chalk and Cheese Films, le néerlandais Baldr Film, le luxembourgeois Les Films Fauves et Arte France Cinéma. Soit un financement plus international qu’indien. Le film, qui devrait sortir le 2 octobre, se veut néanmoins, lui aussi, délibérément ancré dans une histoire profondément humaine. Il plonge dans le milieu hospitalier de Bombay, le vrai, pour raconter l’histoire de deux infirmières hindoues logeant sous le même toit, interprétées par deux actrices du Kerala, Divya Prabha et Kani Kusruti.

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