La sociologue Elise Penalva-Icher, autrice de La Frustration salariale. A quoi servent les primes ? (Sorbonne Université Presses, 224 pages, 20 euros), explique que la rémunération positionne le salarié dans l’entreprise. La bonne compréhension de son salaire est un enjeu pour les collaborateurs, sur le plan personnel, mais aussi par rapport aux autres collaborateurs.

Les rémunérations ont gagné en diversité depuis une trentaine d’années. Qu’est-ce qui sous-tend ce phénomène ?

Elise Penalva-Icher : On constate en effet un mouvement d’individualisation et de complexification des rémunérations, qui peuvent prendre différentes formes (primes individuelles de performance, intéressement, participation…).

Si le phénomène n’est pas nouveau (le salaire ouvrier, par exemple, comporte une part variable depuis bien longtemps), on a assisté à une massification de ces pratiques depuis les années 1990 – avec, bien sûr, des nuances selon les secteurs d’activité ou les profils des collaborateurs. C’est un mouvement qui concerne majoritairement les cadres, mais qui peut aussi toucher d’autres salariés. Certaines organisations versent, par exemple, une épargne salariale à tous les niveaux de la hiérarchie.

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Pourquoi observe-t-on une telle évolution ? Les entreprises estiment depuis longtemps que les primes vont inciter les salariés à travailler plus et mieux. Elles constituent, en somme, une carotte. Mais les sociétés ont aussi en tête d’autres motivations, des usages plus récents.

Ces primes peuvent, par exemple, avoir pour objectif d’attirer des candidats ou de fidéliser de jeunes collaborateurs. Leur répartition peut aussi permettre d’adresser un signal négatif et une marque de stigmatisation : ne pas en délivrer est une manière de mettre des salariés « au placard ». C’est une stratégie qui est tout particulièrement déployée en direction des seniors.

Cette variabilité croissante rend plus difficile la lecture du salaire…

C’est une vraie problématique pour les salariés : beaucoup d’entre eux ne savent plus précisément combien ils gagnent. Certains éléments ajoutés au salaire n’ont pas une temporalité mensuelle, d’autres sont particulièrement techniques.

Or la bonne compréhension de son salaire est un enjeu pour les collaborateurs. Cela sur le plan personnel, afin de comprendre combien l’on perçoit pour soi. Mais également sur un plan plus relatif, par rapport aux autres collaborateurs. La rémunération positionne le salarié dans l’entreprise. Et elle est aussi, plus largement, un indicateur de stratification sociale. Face aux primes qui brouillent la lecture de la fiche de paie, il y a donc une vraie demande de transparence salariale.

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