Un paysage lunaire. A l’entrée du hameau de Châteauneuf-Val-Saint-Donat (Alpes-de-Haute-Provence), sur une zone appartenant à la commune voisine de Montfort, la terre est à nu sur une vingtaine d’hectares. Un engin de chantier finit d’arracher les dernières souches de ce qui était, il y a quelques semaines, le site de Grand Bois : une garrigue plantée de solides pins maritimes et de chênes, avec, comme toile de fond, le cadre de carte postale de la montagne de Lure, 1 826 mètres d’altitude et un sommet couronné de neige. Bientôt, des machines de terrassement seront à l’œuvre pour préparer l’installation d’un parc photovoltaïque que doit exploiter la société Engie Green. Le quatrième sur cette commune de 330 habitants.
Une tour de vidéosurveillance hérissée de caméras trône au milieu du no man’s land, symbole de la tension qui règne autour de ce type de chantiers dans cette zone pourtant peu peuplée. Sylvie Bitterlin et les quatre militants qui l’accompagnent, vendredi 12 janvier, ne s’en soucient guère. Ils sont venus déployer pacifiquement une banderole du collectif Elzeard, Lure en résistance. Et surtout « constater les dégâts ». « Nous n’avons pas de sentinelles dans ce secteur, et donc personne ne nous a prévenus du déboisement… On arrive trop tard. Une fois les arbres abattus, il ne reste plus grand-chose à défendre », regrette cette comédienne et metteuse en scène de 60 ans qui habite la commune voisine de Montlaux et est devenue la figure de proue d’Elzeard.
Depuis 2019, ce collectif tente de freiner les projets de parcs photovoltaïques qui surgissent à grande vitesse sur le pourtour de la montagne de Lure. Près d’une trentaine, couvrant à terme un millier d’hectares, selon l’Association nationale pour la biodiversité (ANB), dans une zone en partie classée réserve de biosphère par l’Unesco. « A l’heure du réchauffement climatique, quelle est la logique de raser des forêts et de détruire de la biodiversité pour produire de l’énergie dite renouvelable ? Ne peut-on pas commencer par équiper des terres déjà dégradées par l’homme ? », questionne Sylvie Bitterlin, relayant des interrogations qui, ici, fédèrent tous les opposants aux parcs photovoltaïques.
Plaintes contre le projet de Cruis
A quelques kilomètres de Grand Bois, sur la commune de Cruis, Elzeard mène une lutte au long cours contre la réalisation d’un parc de 17 hectares porté par la société Boralex, un autre géant du secteur solaire. La situation s’est brutalement tendue à l’automne 2023 lorsque des militants ont tenté quotidiennement de bloquer le chantier. « Dans un premier temps, nous avons cherché à sensibiliser, à informer la population… Cela n’a pas suffi. On a alors essayé d’arrêter les machines. Mais tout le corps de l’Etat semble valider cette stratégie de développement des parcs », s’étonne Marie Marchand, 66 ans, sage-femme et membre d’Elzeard.
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