Depuis plusieurs semaines, les mises en cause successives de médecins pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions interrogent la qualification juridique qui pourrait être appliquée à des actes médicaux de pénétration vaginale ou rectale non consentis. En application du droit médical, « aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne, et ce consentement peut être retiré à tout moment ». Un toucher vaginal ou rectal non consenti est donc nécessairement contraire au droit, mais quelle qualification juridique mobiliser pour saisir cette illégalité sur le terrain du droit pénal ? En particulier, ces actes sont-ils couverts par la qualification de viol ?
La réponse à cette question suppose de déterminer le champ d’application de l’article 222-23 du code pénal, qui définit le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit (…) commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise », et plus particulièrement du terme « sexuelle ». Doit-il être compris dans sa dimension objective, anatomique, renvoyant à tout acte de pénétration dans le sexe ou par le sexe ? Ou doit-il être rattaché à l’intention de l’auteur ?
L’interprétation objective du viol emporte une reconnaissance restrictive de son élément matériel : un viol ne serait constitué que si l’acte de pénétration se fait dans le sexe ou par un organe sexuel. Logiquement, un acte de toucher rectal ou l’introduction d’un objet dans l’anus de la victime ne pourrait donc pas être considéré comme constitutif d’un viol, quelle que soit l’intention de l’auteur. Mais cette interprétation objective fait également disparaître l’exigence d’intention sexuelle comme élément constitutif de l’infraction de sorte que les touchers vaginaux non consentis, qui sont des actes de pénétration dans le sexe, pourraient être qualifiés de viol.
Deux lectures incompatibles
L’interprétation subjective, quant à elle, rattache le terme « sexuelle » à l’intention de l’auteur. Le viol serait alors un acte de pénétration, quel qu’il soit, imposé avec l’intention de contraindre la victime à avoir des rapports de nature sexuelle. Dans cette perspective, des actes de pénétration rectale sont susceptibles d’être considérés comme un viol, y compris dans le cadre d’un examen médical, dès lors que l’intention sexuelle de l’auteur est caractérisée. En revanche, cette interprétation exclut la qualification de viol pour les actes de pénétration non consentis ou imposés sans intention sexuelle.
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