Entre février et avril, des centaines de Syriens pauvres recherchent la friandise qui rapporte de l’argent dans le vaste désert syrien, ou Badia – un repaire connu des djihadistes qui est également jonché de mines terrestres.
“C’est une friandise trempée dans le sang”, explique le vendeur Mohammed Salha, montrant des truffes qu’il a passé une semaine à ramasser près de son village, dans la province centrale de Hama.
Jusqu’à présent cette saison, plus de 130 chasseurs de truffes ont été tués, principalement par des attaques djihadistes et les mines terrestres qu’ils ont laissées derrière eux, selon le Observatoire syrien des droits de l’homme moniteur de guerre.
“Chaque jour, je quitte ma maison sans savoir si je reviendrai vers ma femme et ma fille”, dit Salha, ajoutant que “nous risquons nos vies… mais nous ne nous en soucions plus, nous voulons nourrir nos enfants”.
Connues pour leur haute qualité, les truffes du désert de Syrie atteignent des prix élevés dans un pays meurtri par 12 ans de guerre et une crise économique écrasante.
Au marché de la ville de Hama, les truffes peuvent se vendre jusqu’à 23 € le kilo, dans un pays où le salaire mensuel moyen tourne autour de 17 €.
“Nous faisons de gros profits pendant les deux mois de la saison de la truffe, mais nous risquons nos vies”, dit Salha avec un sourire peiné.
Les vendeurs ont déclaré à l’AFP que la truffe noire trouvée dans les zones désertiques des provinces de Hama et d’Alep se vendait aux prix les plus élevés.
Jamaleddine Dakak, un grossiste de Damas, a déclaré que certains commerçants achetaient des truffes de haute qualité et les exportaient vers l’Irak et le Liban voisins, tandis que d’autres seraient passés en contrebande vers les pays riches du Golfe via la Jordanie.
Un pari pour joindre les deux bouts
Les butineurs prennent le risque malgré les avertissements répétés dans les médias syriens.
Dans un rapport publié plus tôt ce mois-ci, une source militaire a mis en garde les gens contre la chasse aux truffes “car certaines zones n’ont pas encore été déclarées à l’abri” des mines terrestres et des combattants de l’EI.
Jihad al-Abdullah, 30 ans, a perdu sa jambe lorsqu’une mine a explosé alors qu’il conduisait pour ramasser des truffes à l’est de Hama.
Il se déplace maintenant avec des béquilles, mais il dit qu’il sort encore parfois à la recherche de nourriture et qu’il a passé une grande partie de cette saison à vendre des truffes que ses frères ont ramassées.
Dans tout le pays, plus de 10 millions de personnes vivent dans des zones contaminées par des risques d’explosion, selon les Nations Unies.
Abdullah dit que ramasser des truffes était comme jouer à un jeu de cartes.
“Parfois tu gagnes, parfois tu perds”, dit-il. “C’est un pari que j’ai accepté.”
Regardez la vidéo ci-dessus pour en savoir plus sur cette histoire.