L’histoire d’une Française de 50 ans a fait le tour de l’Hexagone et est devenue virale sur Twitter.
Une femme du Nord de la France – qui avait demandé à être désignée par son prénom Valérie – a été interpellée à son domicile et conduite au commissariat.
Jusqu’ici, si banal.
La raison de son arrestation ? Elle a insulté le président Emmanuel Macron sur les réseaux sociaux pour sa décision de forcer le réforme controversée des retraites qui a déclenché manifestations à l’échelle nationale.
Si vous pensiez que c’était inquiétant et érodait la liberté d’expression, attendez ce qui suit.
Selon le journal régional français La Voix du Nord, la femme a posté une photo de graffiti disant “Macron Garbage” sur Facebook. Le graffiti se trouvait à l’extérieur d’un dépôt d’ordures à Arques, à proximité, et elle avait simplement “été photographiée devant, souriante”, a-t-elle déclaré.
Elle a ensuite qualifié Macron de “poubelle” dans un autre post Facebook, daté du 21 mars, pour établir un parallèle avec les éboueurs frappent:
“L’ordure va parler demain à 13 heures, pour les gens qui ne sont rien, c’est tjrs (sic) à la télé que l’on trouve les ordures” – “Les ordures parleront demain à 13h, pour les gens qui ne sont rien, c’est toujours à la télévision qu’on voit ces ordures”, a-t-elle écrit, faisant référence à une prochaine allocution télévisée de Macron.
Le vendredi 24 mars, Valérie a été arrêtée à son domicile par trois agents.
“Je leur ai demandé si c’était une blague, car je n’avais jamais été arrêtée”, a-t-elle déclaré au journal. “Je ne suis pas l’ennemi public numéro un.”
Elle a ensuite été placée en garde à vue pour interrogatoire après que le bureau administratif local de l’Etat a déposé une plainte pour sa publication sur Facebook, a déclaré à l’AFP le procureur de la ville de Saint Omer, dans le nord du pays, Mehdi Benbouzid.
La plainte portait sur le post Facebook du 21 mars, la veille de l’interview de Macron à l’heure du déjeuner sur TF1 pour défendre sa réforme des retraites.
Valérie avoue être l’auteur des propos mais s’est défendue en expliquant qu’elle voulait faire de l’humour en écrivant “l’or dur”. Le correcteur orthographique automatique a apparemment changé l’orthographe.
“J’ai fait ce post mais je voulais faire un jeu de mots et écrire “or dur”, la vérification des épreuves l’a changé et je ne l’ai pas relu avant de l’envoyer. D’ailleurs, je ne le mentionne même pas.”
Elle est actuellement accusée d'”outrage au président de la république” et sera jugée le 20 juin à Saint Omer, a indiqué le procureur. Elle risque une peine de prison et une amende de 15 000 € si elle est reconnue coupable lors du procès.
“Je suis une militante pour la justice sociale”, a-t-elle déclaré à La Voix du Nord. “Ils veulent faire de moi un exemple.”
Valérie, qui est liée au mouvement des Gilets jaunes qui a secoué Macron lors de son premier mandat, nie être une fauteuse de troubles : « C’est totalement injuste. Nous traversons une période où l’intimidation est forte, et les militants sont menacés.
Elle a reconnu partager “beaucoup de vidéos de violences policières ou de violences politiques”, mais jamais dans le but d’enfreindre les lois. “Je dis souvent ce que je pense mais toujours dans le respect de la loi”. Elle a également déclaré que cela n’aura aucun impact sur son engagement dans les manifestations et les grèves : “Nous continuerons à manifester et à publier, mais je me relirai plus attentivement.”
La nouvelle de l’arrestation de la femme a déclenché une réaction généralisée sur les réseaux sociaux à travers la France, avec le hashtag #MacronOrdure (#MacronGarbage) immédiatement à la mode.
L’homme politique français François Ruffin a dénoncé le procès en écrivant : « Bientôt le retour du crime contre la couronne ?
D’autres utilisateurs ont également eu leur mot à dire :
“Crimes de lèse-majesté – Retour à la monarchie”
“Image des prévenus arrivant au tribunal après avoir insulté #MacronOrdure sur les réseaux sociaux”
“Le hashtag #MacronOrdure est censuré par twitter, contournons la censure.”
“‘EFFET STREISAND’ #MacronOrdure est n°1 de l’instantané et n°1 de la tendance sur Twitter. C’est un cas d’école de “l’effet Streisand” : lorsqu’essayer d’empêcher la divulgation d’informations que l’on voudrait cacher conduit au résultat inverse .”
« Si Macron est dans une poubelle, peut-on le traiter de poubelle ?
Quant à la légalité de ce qui est arrivé à Valérie, la loi française prévoit des sanctions contre ceux qui agressent le chef de l’Etat.
Historiquement, il y avait le délit d’outrage au chef de l’Etat, délit pénal qui a disparu en 2013. Il s’agissait d’une protection juridique spécifique du Président, prévue par l’article 26 de la loi du 29 juillet 1881. Elle prévoyait une amende de 45 000 €. Cette loi n’existe plus en 2023.
Cependant, il existe d’autres outils au sein du droit français qui peuvent prendre le relais…
Par exemple, le chef de l’Etat peut toujours se défendre en justice contre une insulte, même lorsqu’elle est commise par voie électronique.
Dans ce cas, une publication Facebook accessible via une connexion Internet tombe sous le coup de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Ici, la sanction prévue par la loi peut aller jusqu’à 12 000 €.
Une autre législation française peut également être employée : l’article 433-5 du Code pénal dispose qu’il existe le délit d’outrage. Sont concernés « les propos, gestes ou menaces, écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi de tout objet (…) de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect dû à la fonction avec dans lequel la personne est investie. »
La peine initiale est une amende de 7 500 € lorsque la diffamation est dirigée contre une personne chargée d’un service public. Si l’injure est dirigée contre une personne dépositaire de l’autorité publique, l’amende peut aller jusqu’à 15 000 € et un an d’emprisonnement. Le chef de l’Etat entre dans cette catégorie.
Même si la publication du message incriminé était un commentaire privé – puisqu’il a été posté sur un profil Facebook – la publication sur Facebook peut s’apparenter à des écrits publics et donc relever de l’injure publique.
Les condamnations pour insultes et outrages sur Facebook ne sont pas rares. En 2015, par exemple, un tribunal correctionnel a condamné un jeune homme à quatre mois de prison pour avoir insulté la police sur Facebook. Des cas similaires existent également lorsque les insultes sont dirigées contre des individus.
Un rappel révélateur de l’importance des paramètres de confidentialité et des limites à la liberté d’expression… Dans le cas de Valérie, la condamnation n’est pas certaine, car le tribunal peut apprécier les circonstances entourant le message, qui a été publié dans le cadre de un vaste mouvement social contre une réforme largement rejetée.
Elle a certainement gagné le soutien de nombreuses personnes sur les réseaux sociaux, qui non seulement défendent Valérie, mais deviennent plus créatives avec leurs insultes et solidaires en matière de liberté d’expression.