Les années 2013 à 2015 ont connu une explosion du nombre de sites Internet invitant les particuliers à s’improviser tradeurs sur le Forex (Foreign Exchange Market) : il leur suffirait de parier sur la hausse ou la baisse d’une devise (« option binaire », désormais interdite aux particuliers), pour s’enrichir.
La plupart de ces plateformes ne disposaient pas de l’agrément nécessaire pour démarcher le public, et ne figuraient pas sur les « listes blanches » de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Leurs courtiers disparaissaient une fois qu’ils avaient reçu les fonds des parieurs ; ces derniers, comprenant qu’ils s’étaient fait arnaquer, invitaient l’AMF à signaler les sites sur ses « listes noires » (Forex ou options binaires).
Les particuliers qui ont envoyé de l’argent à ces plateformes alors qu’elles étaient « blacklistées » ont, certes, commis des fautes d’imprudence. Mais qu’en est-il des professionnels qui ont validé leurs virements ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.
En 2014, un retraité, M. X, envoie 72 000 euros à des sociétés qui l’ont démarché, dont deux, BanQ of Broker et 50 Option, sont sur liste noire. Depuis son compte BNP Paribas, il fait des virements à leur intention, sur un compte français – ce qui le rassure –, que le prestataire de services de paiement Worldpay a ouvert, à Paris, auprès de la succursale de la banque NatWest.
Responsabilité partagée
Or l’argent est aussitôt transféré à l’étranger (en Israël, principalement) par une cliente de Worldpay, la société néerlandaise Seroph, qui le crédite sur les comptes des courtiers. Lesquels ne répondent plus à M. X. Lorsque le retraité comprend qu’il s’est fait escroquer, il demande la restitution de ses fonds, mais ne l’obtient pas. Il assigne Worldpay et Seroph, à Paris.
Son avocat soutient qu’ils ont manqué à leur « devoir de vigilance » en envoyant ses fonds vers des sites dont certains figuraient sur une liste noire de l’AMF.
Le 18 octobre 2022, la cour d’appel de Paris juge que Worldpay a manqué de vigilance en mettant son infrastructure à la disposition de Seroph : en effet, il savait que certains des clients de Seroph étaient inscrits sur liste noire.
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