A Meix-devant-Virton, deux mille huit cents habitants, dans la province du Luxembourg belge, le maire, Pascal François, se gratte le crâne. Qu’adviendra-t-il de son jumelage avec Guérigny, dans la Nièvre, où le Rassemblement national (RN) a recueilli 42,17 % des suffrages le 9 juin ? « Ici, l’extrême droite, on sait ce que ça vaut et on n’en veut pas, explique ce socialiste qui dirige ce village depuis trente ans. Elle a présenté récemment une liste avec un type condamné pour pédophilie. » L’ancien cheminot se rendra-t-il encore en France si le RN est au pouvoir demain ? « Je ne sais pas trop. On ne peut quand même pas sanctionner tout le monde. »

A Meix, Virton et toutes les municipalités de ce bout de la Belgique, le long de deux frontières invisibles, celle avec le grand-duché de Luxembourg et celle avec la France, pas de bourgmestre ou de maison communale, mais un édile et des mairies au fronton desquelles flotte souvent le drapeau bleu, blanc, rouge. Dans beaucoup de foyers, on regarde ­davantage les chaînes françaises que belges et on suit de près les soubresauts de la vie politique hexagonale. « C’est tellement plus passionnant que chez nous », estiment Marylène Pierre, professeure d’histoire et de français à Virton, et sa fille Zoé, étudiante en droit à Louvain-la-Neuve.

Passionnant, mais inquiétant quant aux conséquences à venir du choix ­d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale. « Moralement, un chef d’Etat peut-il faire ça ? », s’interroge la professeure. Député-maire de Tintigny, à 10 kilomètres de Meix, le libéral Benoît Piedboeuf s’étonne lui aussi : « Bien sûr, un président français a besoin d’une majorité, mais là, le jeu est vraiment dangereux et pourrait surtout arranger Vladimir Poutine. »

Dans ce coin verdoyant, on se dit incrédule face à la menace de voir un autre pays fondateur de l’Union européenne ­basculer à l’extrême droite. « Beaucoup de mes concitoyens me demandent : “Macron, qu’est-ce qui lui a pris ?”, explique Vincent Wauthoz, le maire libéral de Virton. Il connaît mieux la France que moi, mais a-t-il bien choisi son moment pour placer les électeurs devant leurs responsabilités ? » C’est toutefois à Eric Ciotti, le président des Républicains, qui prône une alliance avec le RN, que cet élu de droite réserve ses flèches : « Il a trahi à la fois de Gaulle et son pays, comme Pétain. »

Exclure l’extrême droite des majorités

Au soir du 9 juin, alors que les Belges avaient aussi voté pour leurs députés fédéraux et régionaux, c’est la prise de parole du président français que les Virtonais attendent. Devant le bar Chez Neuch, deux étudiants souhaitant rester anonymes ironisent : « Les Belges champions du monde des crises politiques et des querelles entre Flamands et Wallons ? Je crois que nos potes français sont bien partis pour nous battre. »

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