L’ouragan Melissa, qui pourrait être le plus violent à toucher terre en Jamaïque et a déjà fait plusieurs morts, pourrait toucher au moins 1,5 million de personnes, a averti la Croix-Rouge mardi 27 octobre. Avec des vents soufflant jusqu’à 280 kilomètres-heure (km/h), l’ouragan de catégorie 5, la plus élevée, est déjà responsable de trois morts en Jamaïque, trois en Haïti et un en République dominicaine.
Au moins « 1,5 million de personnes pourraient être touchées, y compris les familles qui se remettent encore de l’ouragan Béryl », a estimé Necephor Mghendi, chef de délégation pour les Caraïbes anglophones et néerlandophones à la Fédération internationale de la Croix-Rouge (FICR), lors d’une conférence de presse. « Mais ce chiffre est largement sous-estimé, car les conséquences sur la population comprendront des perturbations des services essentiels, des perturbations sur les marchés et, bien sûr, des blocages de routes. Cela signifie que l’ensemble de la population pourrait en subir les conséquences d’une manière ou d’une autre », a-t-il ajouté, s’exprimant de Trinité-et-Tobago.
Melissa a commencé à frapper mardi la Jamaïque, où il risque de causer notamment des inondations et glissements de terrain catastrophiques. « La menace humanitaire est grave et immédiate », a relevé M. Mghendi. L’inquiétude est d’autant plus grande que l’ouragan Melissa évolue à une vitesse très basse, de 4 km/h. Les pluies torrentielles et vents puissants pourraient donc s’éterniser.
« C’est un ouragan massif » et « son impact devrait être massif », a déclaré Anne-Claire Fontan, spécialiste des cyclones tropicaux à l’Organisation météorologique mondiale (OMM) à Genève. « Il va y avoir des inondations soudaines catastrophiques et de nombreux glissements de terrain », a-t-elle détaillé. S’il ne perd pas en intensité, il s’agira du plus puissant ouragan à toucher terre en Jamaïque depuis le début des relevés météorologiques : « C’est jusqu’à présent la tempête du siècle pour la Jamaïque », selon Mme Fontan.

Risques de dégâts importants
Le premier ministre, Andrew Holness, a alerté sur des risques de dégâts importants pour l’ouest du pays. « Je ne pense pas qu’une seule infrastructure de cette région puisse résister à un ouragan de catégorie 5, donc il pourrait y avoir d’importantes destructions », a-t-il déclaré sur CNN, appelant les habitants « à monter sur les hauteurs, à protéger [leurs] biens et [leur] famille », et surtout à évacuer les zones à risques.
De nombreux habitants refusaient toutefois de suivre ces consignes. Et des vidéos générées par intelligence artificielle minimisant la menace de l’ouragan ont envahi les réseaux sociaux, a constaté lundi l’Agence France-Presse (AFP), avec des habitants faisant la fête ou du Jet-Ski. « Je vois toutes ces vidéos circuler. Beaucoup d’entre elles sont fausses », a réagi Dana Dixon, ministre de l’information jamaïcaine.
A Saint-Thomas, dans l’Est, une soixantaine de personnes étaient réfugiées dans l’école primaire, a constaté l’AFP. Selon le premier ministre, 881 abris sont ouverts aux 2,8 millions d’habitants de l’île.
Des vents jusqu’à 280 km/h
Melissa est passée en vingt-quatre heures en ouragan de catégorie 4, avec des vents de 225 km/h. Puis le phénomène s’est encore renforcé, avec un passage en catégorie 5, avec des vents jusqu’à 280 km/h. L’inquiétude est d’autant plus grande que l’ouragan évolue lentement, à 4,8 km/h. Pluies et vents pourraient s’éterniser sur les localités affectées alors qu’il devrait déverser entre 500 millimètres et 630 millimètres de pluie sur certaines parties de l’île caribéenne. Esther Pinnock souligne que les sols sont déjà lourds, gorgés d’eau après les pluies des semaines précédentes, aggravant les risques de glissements de terrain.
Le changement climatique accentue « tous les aspects les plus néfastes de l’ouragan Melissa, a déclaré à l’AFP Daniel Gilford, climatologue de l’organisation à but non lucratif Climate Central. Il entraîne des précipitations et des submersions côtières plus importantes et avec des intensités plus fortes que ce qui aurait été observé dans un monde sans changement climatique. » Selon une première analyse de l’organisation, l’ouragan Melissa est passé au-dessus d’eaux plus chaudes de 1,4 °C du fait du changement climatique. Des températures rendues au moins 500 fois plus probables du fait de l’activité humaine.
Selon les explications de Daniel Gilford, si le « réchauffement atmosphérique tend à réduire l’intensité, et le réchauffement de la température de surface de la mer tend à augmenter l’intensité », en général « la température de surface de la mer l’emporte » dans la détermination de la puissance des tempêtes.
Le dernier ouragan majeur à avoir touché terre en Jamaïque était l’ouragan Gilbert de septembre 1988, qui avait tué 40 personnes et fait d’énormes dégâts. Depuis, l’île avait été frappée par plusieurs ouragans, le dernier en date étant Béryl, en juillet 2024, qui n’y avait toutefois pas touché terre. Depuis une semaine, la Croix-Rouge jamaïcaine est mobilisée au plus haut niveau d’alerte, avec au moins 400 bénévoles mobilisés, a dit mardi la FICR. « Nous espérons le meilleur, mais nous devons nous préparer au pire », a insisté Necephor Mghendi.
Melissa devrait ensuite toucher Cuba, où les autorités ont commencé à fermer des écoles et à évacuer des habitants, alors que le manque d’électricité empêche la bonne diffusion des messages d’alerte. Continuant sa route vers le nord, l’ouragan pourrait toucher ensuite le sud des Bahamas et l’archipel des îles Turques-et-Caïques, un territoire britannique.

