Au cœur de Tel-Aviv, on s’évente, on cherche de l’eau. La chaleur moite, qui refuse de descendre malgré la tombée de la nuit en ce samedi 15 juin, n’empêche pas la foule de continuer à affluer devant la « place des otages ». Depuis huit mois, chaque semaine, le samedi, après la fin du shabbat, les familles d’otages et ceux qui leur apportent leur soutien se réunissent ici, devant le Musée d’art, pour appeler à la libération des Israéliens encore retenus à Gaza (il en reste 120, dont une partie importante est décédée). Les manifestations ont traversé l’hiver, vu arriver le printemps. Voilà maintenant l’été. La mobilisation ne faiblit pas, au contraire – elle représentait samedi plusieurs dizaines de milliers de personnes –, et il devient aussi de plus en plus difficile d’empêcher que s’y expriment des idées contre le gouvernement, même, si officiellement, les organisations de familles sont supposées être apolitiques.

Lili et Yossi Harari, eux, sont venus ce soir exprimer leur solidarité avec les familles d’otages, comme chaque semaine ou presque. Les deux vieux complices sont nés à un jour près dans le même hôpital. Ils sont tous deux issus de familles de survivants de la Shoah, sont allés à la même école. Ils se sont aimés tôt et se sont mariés voici quarante-cinq ans tout juste. D’une même voix, ils parlent des otages, de la conduite incompréhensible de la guerre, de l’armée « qui est au centre de la société israélienne », et Lili ne cache pas sa « colère » vis-à-vis de celui qu’elle ne nomme pas, et désigne par un « il », comme si prononcer son nom lui écorchait la bouche : Benyamin Nétanyahou, le premier ministre.

Yossi est d’accord. On le voit bien, ils sont toujours d’accord sur ce qui est important. Juste après la cérémonie de la place des otages, ils vont marcher jusqu’à « l’autre » manifestation, non loin, sur Kaplan Street, dont l’objet est la contestation du gouvernement. Ils sont nombreux, désormais, à faire ce même chemin chaque samedi. Lili est certaine, d’ailleurs que « le mouvement de contestation contre le gouvernement ne va pas s’arrêter, c’est une question de vie ou de mort pour notre pays ». Elle explique cette expression à la fois par l’existence menaçante de ce qu’elle décrit comme la coalition des « ennemis d’Israël », au premier rang desquels figure l’Iran, mais aussi en raison des « divisions » de la nation, entretenues selon elle par ce « il » qui l’horripile tant. Bref, concluent-ils ensemble : « Il faut changer ce gouvernement. »

Canon à eau

Il vous reste 67.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partager

Leave A Reply

Exit mobile version