Le 1er octobre, le BHV Marais annonçait un partenariat avec Shein, géant chinois du commerce en ligne. Et en quelques heures, la nouvelle embrasait les réseaux sociaux. L’indignation des internautes laissait rapidement la place au retrait de partenaires et à une grève des salariés. Ce qui devait être un vent de modernité s’est transformé en tempête. En s’associant à une marque symbole de la fast-fashion mondialisée, le BHV, incarnation d’un art de vivre parisien et d’un certain idéal du commerce de proximité, a brouillé son propre récit.
Car Shein n’est pas une marque neutre. Elle cristallise les critiques faites à un modèle de consommation contesté : production à bas coût, conditions de travail opaques, empreinte écologique colossale, plagiats récurrents. Le public n’a pas seulement jugé un choix commercial ; il a sanctionné une dissonance entre les valeurs affichées par le BHV et les actes du groupe. Ce n’est pas l’image du BHV qui a vacillé, mais sa réputation – cet écart subtil mais décisif entre ce qu’une marque veut montrer et ce que les autres en perçoivent.
Autrefois, les marques contrôlaient leur image : elles écrivaient leur histoire, définissaient leurs symboles, maîtrisaient leurs récits. Mais à l’ère du numérique, ce pouvoir s’est déplacé. Les réseaux sociaux ont libéré la parole du public et imposé une transparence totale. Le discours des marques cohabite désormais avec celui de milliers d’autres voix – consommateurs, collaborateurs, journalistes, influenceurs –, souvent plus audibles et plus crédibles qu’elles.
Economie de la réputation
La réputation est ainsi devenue l’actif le plus stratégique et le plus vulnérable des entreprises. Elle conditionne la confiance, la désirabilité, l’attractivité et la performance. On la croyait intangible, elle est désormais mesurable : études de confiance, notations d’employeurs, indicateurs ESG, viralité médiatique… Chaque signal alimente un véritable indice de réputation, dont les variations se traduisent en conséquences économiques tangibles.
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