Nous avons été récemment pris de vertige : les traitements médiatiques et politiques de l’extrême droite produisent une certaine confusion à son égard. Nous, politistes spécialistes du Rassemblement national (RN) et de l’extrême droite, alertons sur l’affaiblissement du « cordon sanitaire » et sur la confusion sémantique et politique qui en découle. Nous proposons ici de faire le point sur de solides acquis des recherches sur le RN et de proposer des liens vers les ressources et travaux qui permettent de prendre conscience des implications du scrutin du 7 juillet.

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Le RN se démarque des autres partis par son histoire marquée par le négationnisme, le racisme et l’antisémitisme. Ces points sont caractéristiques de ce parti, au regard des collectifs qui le composent et des condamnations de ses cadres (Valérie Igounet, Le Font national de 1972 à nos jours, Seuil, 2014). Il est naïf de penser que le parti peut s’autonomiser de son histoire. Les recherches ont déjà montré que les efforts de communication de « dédiabolisation » du RN n’ont pas transformé le parti, ni sous la présidence de Jean-Marie Le Pen (Sylvain Crépon, Alexandre Dézé et Nonna Mayer, Les faux-semblants du Front national, Presses de Sciences Po, 2015), ni sous celle de Marine Le Pen, ni à l’ère de Jordan Bardella. Comme d’autres partis d’extrême droite en Europe, le RN a particulièrement cherché à imposer une vision réécrite de ses origines.

Ce parti travaille aussi à redéfinir une version de l’histoire très politisée, réfutée par les historiens de métier (Guillaume Mazeau, Histoire, Anamosa, 2020), en faisant vivre des mémoires communautaires au détriment des faits scientifiques (Jonathan Thomas, La Propagande par le disque. Jean-Marie Le Pen, éditeur phonographique, EHESS, 2020). Ces récits sont des appuis importants à des nostalgies réactionnaires, au négationnisme (Valérie Igounet, Le Négationnisme en France, PUF, 2020) ou à l’antisémitisme (Félicien Faury, Des électeurs ordinaires, Seuil, 240 p., 21,50 €), qui constituent une matrice de l’engagement militant. Ils alimentent des entre-soi racistes inscrits plus généralement dans la société (L’Antisémitisme contemporain en France. Rémanences ou émergences ?, Hermann, 2022), dans lesquels sévissent des « paniques morales ».

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Alors que se diffuse un discours sur l’alternative inédite que représenterait ce parti dans l’exercice du pouvoir, il convient de rappeler les bilans du RN dans des municipalités et les Parlements (Assemblée nationale et Parlement européen) depuis les années 1980. Les cadres du RN s’y entourent toujours de militants issus des franges les plus dures de l’extrême droite (Safia Dahani, Estelle Delaine, Félicien Faury et Guillaume Letourneur, Sociologie politique du RN, Septentrion, 2023).

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