On les avait quittés en 2024, extirpant de leurs valises les quelques objets apportés de leur Russie natale. Un butin de fortune qu’escortaient leurs souvenirs du temps d’avant le grand départ. Les comédiens du KnAM Théâtre, une troupe que dirige Tatiana Frolova, s’entêtent à conjurer, sur les scènes, le traumatisme d’un exil acté en 2022 après l’invasion de l’Ukraine. Condamnés à ne plus revoir leur patrie tant qu’elle sera sous la coupe de Vladimir Poutine et ses sbires, ils vivent désormais à Lyon, où Les Célestins les accueille dans le cadre d’une résidence artistique.
C’est là, au sein du festival Sens interdit, qu’ils ont créé leur dernier spectacle en date (actuellement en tournée) : I’m Fine. Un titre qui dit le vrai mais pas la vérité puisque avec Tatiana Frolova, tout, du message à la forme esthétique, est affaire de nuances. S’ils sont désormais en sécurité, rien ne va de soi pour ces immigrés par contrainte qui doivent apprivoiser un climat, une langue, des mœurs, un pays. Et se faire adopter en retour.
Au tout début de la représentation, ils enfilent de lourdes bottes. Garder les pieds sur terre est le prérequis de leur intégration. Ils marchent, vacillent, tombent, se relèvent. Le déséquilibre sera encore longtemps un prix à payer. Ils l’assument. Ils apprennent à tanguer à l’instar d’un plateau qui ne se fige jamais, mais coulisse du premier plan à l’arrière-plan, de l’aplat à la profondeur, de la vidéo aux ombres chinoises, de la lumière à l’obscurité, du propos politique au récit personnel, du russe au français.
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