Un avocat spécialiste de la responsabilité civile des professionnels du conseil a-t-il le droit de démarcher des clients qu’il estime victimes des fautes d’un confrère ?
Tel est l’enjeu de la procédure disciplinaire engagée par le bâtonnier de Paris contre Me Jean-Patrick Saint-Adam, avocat qui, depuis plus de vingt ans, poursuit les avocats défaillants et leurs compagnies d’assurances.
Cette affaire prend racine dans celle, tentaculaire, du Mediator, médicament commercialisé par les laboratoires Servier comme antidiabétique mais prescrit comme coupe-faim, qui a provoqué des valvulopathies et de l’hypertension artérielle pulmonaire.
Le 29 mars 2021, quelque 6 500 personnes en ayant consommé et s’étant constituées parties civiles auprès du tribunal correctionnel de Paris ont pu être indemnisées de leur « préjudice d’anxiété » par les laboratoires, condamnés à leur verser 180 millions d’euros.
Une quarantaine d’adhérents de l’Association d’aide aux victimes des accidents des médicaments (Aaavam) ont constaté qu’ils n’en faisaient pas partie, leur avocat, Me Alain Fraitag, étant resté inactif. Sur le conseil de l’Aaavam, ils se sont tournés vers Me Saint-Adam, afin qu’il poursuive Me Fraitag et les assurances de celui-ci, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles. Des transactions, couvertes par le secret, ont finalement été conclues entre les victimes et les assurances.
« Dénigrement »
En lisant le jugement du tribunal correctionnel, puis celui de la cour d’appel de Paris, Me Saint-Adam a constaté qu’un certain nombre de victimes avaient été jugées irrecevables à agir, en raison de fautes de procédure de leurs avocats : intervention en première instance et en appel sous des qualités différentes, dépôt tardif de conclusions, envoi de dossiers à une mauvaise adresse, non-chiffrage des demandes, non-reprise d’instance au profit des ayants droit des personnes victimes décédées…
Il a écrit à ces malheureux justiciables (dont les adresses figurent sur les décisions) pour leur proposer ses services. Ce qui n’est pas interdit, puisqu’un décret du 28 octobre 2014 autorise la « sollicitation personnalisée ». A condition toutefois que celle-ci exclut tout élément « dénigrant ».
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